Des dizaines d'enseignants de l'école nationale polytechnique d'Alger ont organisé, hier, un sit-in de protestation devant le siège de la direction de l'établissement. Une action qu'ils qualifient de signal de détresse contre les nouvelles réformes que risque de subir leur école. “Depuis le 2 mars dernier, nous demandons des éclaircissements sur l'avenir de Polytech après toutes les informations qu'on a entendues, mais que personne ne veut nous confirmer ni infirmer d'ailleurs”, nous a indiqué une des enseignantes rencontrée sur place. En discutant avec les protestataires, nous nous sommes rendu compte que le problème principal réside dans l'absence de communication de la part de la tutelle, à savoir le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. C'est, en tout cas, les déclarations des enseignants pour qui ce silence ne peut que cacher des “changements inacceptables”. La peur de voir l'école disparaître a fait que le mouvement s'est transformé en action sur le terrain avec le sit-in d'hier. “on ira jusqu'au bout de nos revendications, puisqu'on sait qu'elles sont légitimes”, nous ont-ils déclaré. De nombreuses revendications dont la plus urgente reste le sort qui sera réservé à Polytech, et ce, dès la prochaine rentrée universitaire. Les protestataires parlent surtout de la prochaine disparition pure et simple du département de sciences fondamentales qui “gère” les deux ans de tronc commun avant d'accéder aux 11 spécialités de l'école. Même si rien d'officiel émanant du ministère n'est venu confirmer cette information qui a circulé très rapidement dans le milieu universitaire, tout indique que les dés sont jetés. La déclaration qu'aurait faite la directrice de l'école, la veille, aux professeurs lors de la réunion informative est plus qu'un “indice”. À la question de savoir s'il va y avoir de nouveaux bacheliers pour septembre prochain, elle aurait répondu : “Il n'y a rien d'officiel.” De quoi inquiéter, au plus haut point, la centaine d'enseignants du département même si la directrice a affirmé en même temps qu'elle soutenait leur démarche. En plus de la “réduction” attendue des prérogatives de cette école, dont la renommée dépasse nos frontières (en l'espace de 50 ans elle a formé près de 10 000 ingénieurs), il y a aussi le changement de statut qu'elle est déjà en train de subir sans que les concernés, enseignants et étudiants, n'aient été consultés, encore moins informés. D'ailleurs, nous avons été surpris, en même temps que plusieurs autres étudiants, de savoir que depuis janvier dernier l'école n'est plus l'ENP, mais ENSP : Ecole nationale supérieure polytechnique. Une situation qui a fait dire à une étudiante de cinquième année : “c'est encore plus ridicule puisqu'en troisième année j'ai effectué un stage dans une certaine ENSP qui n'est autre que l'entreprise nationale des services aux puits !” Devant cet imbroglio, et à défaut de voir les actuels étudiants se mobiliser (l'excuse de la période des examens peut, elle, justifier leur inaction !), les anciens se sentent d'ores et déjà concernés. Organisés en association (Association des diplômés de l'école polytechnique), dont plusieurs membres sont des enseignants, ils se disent inquiets, comme nous l'a indiqué son président, Abdelhamid Benachir : “nous sommes préoccupés par l'avenir de l'école et nous suivons très attentivement ce qui se passe.” Toutefois, tous les enseignants que nous avons approchés étaient unanimes sur le fait que le plus important dans leurs démarches était le caractère pédagogique et le statut de l'école. “Polytech a formé de tout temps l'élite de l'Algérie et nos ingénieurs sont reconnus mondialement et on n'a pas envie qu'on vienne casser cette institution qui a toujours honoré l'Algérie”, nous dira l'un d'eux avant qu'une autre ne rajoute : “oui pour la concurrence, oui pour les réformes, mais pas au détriment de notre école.”