Les bacheliers 2009, dont l'objectif est de rejoindre l'Ecole polytechnique d'El-Harrach, à Alger, vont devoir oublier leur rêve. Ce qui n'était qu'une rumeur est désormais une réalité. Dès la rentrée universitaire prochaine, l'Algérie n'aura plus à s'enorgueillir d'avoir une école aussi prestigieuse que Polytech, dont la renommée a dépassé les frontières du pays depuis des décennies. La décision a été prise presque en catimini par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. La notification n'a pas été rendue publique. Nous avons pu nous procurer une copie de la circulaire “relative à la préinscription et à l'orientation des titulaires du baccalauréat au titre de l'année universitaire 2009-2010” et dans laquelle il n'est aucunement fait mention de l'école, que ce soit dans son ancienne appellation ENP (Ecole nationale polytechnique) ou dans sa nouvelle, depuis le début de l'année, qui a été octroyée également en catimini, ENSP (le S pour supérieure). Ainsi, les nouveaux bacheliers n'auront plus la possibilité de s'inscrire dans cette institution qui, en l'espace de 50 ans, a formé près de 10 000 ingénieurs. Cette disparition non annoncée a été noyée dans le chapitre des classes préparatoires. Sur le document que nous avons pu nous procurer, il est noté (annexe 3 : école et écoles préparatoires) que les bacheliers auront le choix entre les cinq suivantes : EP Sciences et techniques (Alger) ; EP Sciences et Technique (Annaba), EP Sciences et technique (Tlemcen), ENSA (ex-EPAU) Classes préparatoires intégrées (Alger), ESI (ex-ENI) Classes préparatoires intégrées (Alger), EP Sciences économique de gestion et commerciales (Alger) et Ecole nationale supérieure de Technologie (Alger). Sur cette liste, il n'y a aucune trace de polytechnique alors que l'école recevait en moyenne annuellement des centaines d'étudiants. Cette situation est venue confirmer les appréhensions des enseignants de l'ENSP qui, depuis plusieurs mois, sont montés au créneau pour au moins être informés de la situation. N'ayant pas eu d'échos de la direction qui s'est contentée jusqu'à ce jour de répondre par cette phrase laconique “rien n'est officiel”, ils ont pris attache avec la tutelle et la présidence de la République à qui un courrier a été adressé. Depuis le 2 mars dernier, aucune réponse ne leur a été signifiée. Ne voulant pas baisser les bras, les enseignants avaient organisé le 20 mai dernier un sit-in devant le siège de la direction avec comme mot d'ordre “non au démantèlement de l'école polytechnique”. Une action qui n'a pas eu d'échos auprès des institutions concernées. La disparition programmée de Polytech, en plus de la circulaire du ministère, a également ouvert depuis plusieurs semaines un autre “front”. Il est plutôt “interne”. En plus de la très probable fermeture du département de sciences fondamentales (qui reçoit les étudiants de première et deuxième années et dans lequel une centaine d'enseignants exercent), il y a d'autres départements “ciblés”. Sur les 11 spécialités de l'école, 2 sont d'ores et déjà menacées. Il s'agit du département de génie industriel ainsi que de celui de génie des mines. Cette situation rocambolesque dans laquelle se trouve l'un des meilleurs fleurons de l'Algérie indépendante reste incompréhensible pour plus d'un. Que ce soit les enseignants, les étudiants (actuels et anciens), encore moins le monde universitaire, personne n'arrive à expliquer cette politique de démantèlement dont les objectifs demeurent inavoués. Au niveau de la tutelle, on parle d'une stratégie nationale pour des réformes globales. Un argument qui est loin d'être “solide”. Pourquoi toucher l'un des rares lieux où la compétence et le niveau d'études sont reconnus ? Une question que ne se posent pas uniquement les polytechniciens, mais aussi tous ceux pour qui l'intérêt du pays est au-dessus de tout.