Le conflit ayant opposé Algérie Télécom à l'Eepad révèle maintes anomalies dont la plus importante est l'atteinte au droit des usagers du Net. Au cours des rebondissements qui ont émaillé le dernier conflit entre l'Eeepad et Algérie Télécom, de nombreux observateurs son restés dans l'embarras, et parmi eux pas seulement des spécialistes du secteur mais aussi des juristes et autres experts de secteurs liés. On ne connaît pas beaucoup la situation exacte mais seulement des déclarations et démentis, et réponses aux démentis. Les faits tels qu'ils ont été affichés : l'Eeepad doit à Algérie Télécom une ardoise de 2,60 milliards de DA, cette dernière s'est trouvée contrainte de couper les lignes à l'opérateur privé. Ce dernier qui conteste la manière dont sont présentés les chiffres, argue également des difficultés liées à la baisse des tarifs de connexion Internet décidée par le ministère responsable. Une première anomalie : celle où l'opérateur public est lui aussi fournisseur de service Internet en même temps qu'il gère toutes les lignes. En situation plus normale, les autorités publiques auraient pu aller plus loin dans les réformes en scindant les deux missions au bénéfice de deux entités ou entreprises séparées au lieu d'une seule ; comme c'est le cas pour Algérie Télécom. Dans les faits, cette dernière a utilisé une méthode de domination technique sur le marché, bien que la position commerciale dominante interdite par la concurrence, n'est pas établie. Mais il y a incontestablement domination technique monopolistique du marché. Deuxième anomalie : la méthode qu'a utilisée Algérie Télécom pour recouvrer ses factures auprès de l'Eeepad. Il existe d'autres méthodes de recouvrement, moins suspectes et reconnues juridiquement, par voie de justice et de saisie arrêt conservatoire sur compte bancaire, équipements et biens immobiliers et autres jugements en référé, sans aller jusqu'à recourir à ce qui peut être interprété comme un coup tordu à un concurrent, et même comme un acte de concurrence déloyale, ce devrait être illégal en situation normale où les réformes auraient été menées jusqu'au bout.L'argument de l'Eepad sur des difficultés financières nées à la suite de la décision de l'ancien ministre des P et T, de baisser de 50% les tarifs des abonnements. On ne sait pas si le ministre avait le droit de prendre une telle décision, certainement inspirée des pratiques d'une époque que l'on croyait révolue. Il pouvait tout au plus décider de soutenir les tarifs en recourant au budget de l'Etat pour payer les subventions nécessaires, en les négociant préalablement avec les opérateurs sur place dont le privé. Sinon, l'on est en présence d'une intervention de l'Etat sur un marché réputé libre, ce qui fausse la libre-concurrence. Avant cela, il aurait fallu établir un niveau de tarif de nature à favoriser le développement et la généralisation de l'internet, comme on l'affiche tant dans les discours. La concrétisation de ces nobles objectifs ne dispense cependant pas de la recherche de la bonne méthode et du respect des lois et ainsi que du texte et de l'esprit des réformes. Toutefois, mais si elle devait être applicable à tous les fournisseurs de service Internet, y compris à ceux privés, ces derniers pouvaient théoriquement attaquer la décision en justice et même demander des dédommagements si jamais elle devait causer des difficultés financières, comme le soutient l'Eepad. Cependant, il faut remarquer que les tarifs pratiqués avant la décision contestée avaient de quoi rebuter. 1 700 DA environ la connexion bas de gamme à 128 kb, soit 17 euros. Pour un peu moins du double de ce prix, les Européens, au niveau de vie et de revenus bien supérieurs à ceux des Algériens, sont plus chanceux et peuvent avoir une connexion 8 à 10 fois plus rapide, ainsi que la gratuité de l'abonnement au téléphone fixe et même la télévision par satellite. Enfin, la dernière anomalie est bien celle de l'atteinte aux droits des internautes pris ainsi en tenailles dans le différend AT-Eeepad, ainsi que celle transcendante de la nécessité du respect du principe de la continuité et la libre accessibilité du service public, si tant est que la fourniture Internet devrait être considérée comme telle. On ne peut pas ainsi continuer de la sorte, c'est bien la peine de crier sur tous les toits et de faire de la publicité à grands renforts d'affichage pour l'offre d'accès Internet haut débit, 256 kb et plus, quand ce dernier n'est tout simplement pas accessible techniquement parlant, en raison de saturation, dans de larges zones, dont la wilaya d'Alger même, exemples entre autres, Aïn Benian, Chéraga, Draria et Baba Hassen. Et l'embêtant, c'est que l'internet est un produit exigeant et inséparable de la qualité de service, de la continuité du service et de sa libre accessibilité, ce qui, malheureusement, n'est pas encore évident sous nos cieux. Aussi, les réformes exigent-elles de l'esprit de suite aujourd'hui et d'aller au plus concret et sans se contenter de demi-mesures générales, car dans cette affaire qui a éprouvé les internautes, l'Autorité de régulation des postes et télécommunications (Arpt), le ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, le ministère du Commerce et la commission de la concurrence, et même le ministère de la Justice sont restés étrangement silencieux. M. H.