Evènement météorologique particulièrement ravageur, les inondations seront le lot de bon nombre de contrées de par le monde. D'autant que selon les spécialistes les inondations n'ont pas de frontières. Entre les hectares de cultures détruites, les oueds en crue, des quartiers littéralement engloutis et des centaines, voire des milliers de victimes, ces débordements d'eau cataclysmiques sont dans le collimateur des scientifiques qui essaient de cerner ce phénomène. Le docteur Afra, directeur général du Cnerib, nous dit par quelles mesures il sera possible de les contrer en réduisant les dégâts. Leur survenue étant, hélas, incontournable. Liberté : Selon les météorologues, l'Algérie est vulnérable aux variations climatiques. Avec le réchauffement climatique, l'occurrence des inondations sera, annonce-t-on, plus importante, que pouvez-vous nous apprendre sur cet aléa particulièrement meurtrier, en tant que technicien du bâtiment ? Dr Hamid Afra : Le phénomène des changements climatiques touche le monde entier et l'Algérie n'est pas à l'abri de ce phénomène. Ce dernier n'est autre que la conséquence du réchauffement planétaire qui se traduit par une augmentation de la température moyenne du globe. Cette augmentation de la température est due aux émissions dans l'atmosphère de gaz à effet de serre (GES) dont l'origine est la combustion de l'énergie d'origine fossile. En effet, l'augmentation de la concentration en dioxyde de carbone CO2 durant ces dernières décennies (0,0345% en 1998 et 0,0382% en 2007, soit une évolution de près de 11% sur une durée de 10 ans), est parfaitement corrélée avec l'augmentation de la température moyenne de la planète. Malheureusement, des conséquences désastreuses sont à prévoir à court et long terme sur les paramètres physiques de la Terre (les calottes de glace, les précipitations, le niveau des mers, l'humidité absolue, la circulation thermo-haline) et sur l'homme et la biosphère, induisant des déplacements de populations, une modification du mode de vie et une déstabilisation géopolitique mondiale. Les fortes précipitations enregistrées ces dernières années en Algérie (Bab El-Oued, Timimoune, Béchar, Ghardaïa, Adrar…) sont les conséquences directes des changements climatiques. Il est certain que ces précipitations enregistrées se reproduiront à l'avenir et probablement avec une intensité plus forte. Quelle est la politique nationale en matière des changements climatiques L'Algérie a pris en charge cet aléa à travers l'intégration de la notion du développement durable dans le cadre des programmes de développement et a ratifié en 1993 la convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiques (Ccnucc). En effet, une loi (n° 99 – 09 du 28 juillet 1999) relative à la maîtrise de l'énergie a été promulguée et la 1er et les 2e communications nationales de l'Algérie sur les changements climatiques ont été élaborées. Ces communications présentent le contexte national, la vulnérabilité et l'adaptation, l'inventaire des gaz à effet de serre et les mesures d'atténuation. Par ailleurs, la problématique des changements climatiques a été prise en considération dans l'élaboration du système national d'aménagement du territoire (Snat 2025) relatives à la protection de l'environnement dans le cadre du développement durable, au développement des énergies renouvelables et à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes dans le cadre du développement durable, a été promulgué. Quelles seront les régions les plus touchées ? Que risquent-elles concrètement (d'être détruites) et pourquoi ? Comme déjà évoqué, le phénomène des changements climatiques est un aléa mondial et n'a pas de frontières. En général, les régions qui sont exposées à ce risque sont celles qui présentent un degré de vulnérabilité plus élevé. Que faut-il pointer du doigt, la vétusté de ces villes ou l'usage d'un matériau précis ? La communauté scientifique attribue à ce phénomène de réchauffement global à une origine humaine liée à la surconsommation d'énergie, d'origine fossile, induisant des émissions atmosphériques de gaz à effet de serre (GES). Dans le secteur du bâtiment, la cause essentielle de ces émissions est directement liée à la consommation en énergie électrique, d'origine fossile, utilisée pour la production des matériaux de construction et pour l'exploitation résidentielle (chauffage et climatisation, éclairage, ventilation…) des bâtiments. Quelles sont les nouvelles techniques de construction préconisées (le BTS...) ? La maîtrise de l'énergie et le développement durable dans le secteur du bâtiment ont toujours été des préoccupations des pouvoirs publics visant à réduire les émissions atmosphériques des gaz à effet de serre (GES). La loi relative à la maîtrise d'énergie définit les conditions, les moyens d'encadrement et la mise en œuvre de la politique nationale de maîtrise d'énergie. Un décret exécutif (n°2000-90), adopté en avril 2000, portant sur la réglementation thermique des bâtiments neufs est venu accompagner cette loi. Ce décret institue l'obligation pour les bâtiments neufs de satisfaire à des performances minimales exprimées à travers des valeurs de référence pour l'enveloppe et qui constituent des limites à ne pas dépasser. Ces valeurs de référence sont données dans trois documents techniques réglementaires (DTR C3.2 du 10/12/97, DTR C3.4 du 18/08/98 et DTR C3.3.1 du 14/11/05), élaborés par le Centre national d'études et Recherches intégrées du bâtiment (Cnerib) et promulgués par arrêtés ministériels. Ces DTR qui préconisent l'utilisation des matériaux localement disponibles tels que le béton de terre stabilisée (BTS), la pierre et le plâtre, l'orientation adéquate des bâtiments, l'isolation de l'enveloppe et des planchers pour limiter les déperditions énergétiques en hiver et les apports calorifiques en été, la ventilation naturelle, l'éclairage et l'ombrage naturels, permettent aux maîtres d'œuvre, maîtres d'ouvrages et entreprises de réalisation de concevoir et d'exécuter des ouvrages à haute performance énergétique tout en garantissant les exigences requises en matière de stabilité, de résistance aux aléas naturels et de confort. Quels en sont les avantages “environnementaux” L'application de cette réglementation permet de réduire, en principe, de 30 à 40% la consommation d'énergie, hors poste cuisson ; ce qui contribuerait à réduire fortement la facture énergétique et les émissions des GES. L'investissement supplémentaire par rapport aux bâtiments conventionnels est de l'ordre de 10% et sa durée d'amortissement est de l'ordre de 10 ans. Ne faudrait-il pas songer à déplacer plus au Nord les villes du Sud ? C'est inutile, car ce phénomène comme déjà évoqué est mondial et ne présente pas de frontières. (*) M. Hamid Afra est docteur d'état en structures et matériaux, directeur de recherche, professeur d'université et directeur général du Cnerib. Il est l'auteur de plusieurs publications internationales éditées dans des revues de renommée établie. Il a dirigé plusieurs thèses de magistère et de doctorat auprès des universités algériennes.