Les élections législatives, qui se déroulent aujourd'hui au Liban, pourraient bien changer la configuration du pays du Cèdre. Le pays est dirigé, depuis la fin du printemps 2008, par un gouvernement d'unité nationale. Pourtant, ce sont bien deux camps qui s'affrontent : d'un côté, la coalition conduite par Saâd Hariri et son courant du Futur (considéré comme pro-occidental), de l'autre, l'alliance du Hezbollah et du Courant patriotique libre (CPL) du général maronite Michel Aoun, proche de la Syrie et de l'Iran. Aucun observateur ne se risque à des pronostics. Et les plus optimistes en sont à croiser les doigts pour que le pays ne puisse pas être gouverné par un camp à l'exclusion de l'autre, c'est-à-dire, à la reconduction de ce qui existe. C'est le moindre pire dans le contexte libanais et régional. D'ailleurs cinq jours plus tard, des présidentielles se dérouleront en Iran. Ces deux élections ne sont pas sans liens quand on connaît l'implication des deux pays dans l'échiquier régionale. Les Occidentaux, à leur tête Israël, observent ces élections avec beaucoup d'inquiétude car pour le Liban, le Hezbollah, considéré comme le bras armé de l'Iran, pourrait bien sortir victorieux du scrutin et en Iran, la reconduction d'Ahmadinejad signifie pour eux la poursuite du bras de fer à propos du nucléaire et du reste. Pour le Liban, un résultat semblable à celui de Gaza en janvier 2005, qui a vu un parti islamiste gagner les élections, n'arrête pas d'enflammer les esprits dans les capitales occidentales et même chez les régimes arabes de la région, notamment l'Arabie Saoudite qui verra mal l'intrusion de chiites dans sa sphère. Paradoxalement, tandis qu'Israël a mobilisé avec l'appui de la France de Sarkozy ses réseaux d'influence auprès des chrétiens libanais vivant à l'étranger, notamment en France, Les pays du Golfe ont procédé de manière identique avec les libanais sunnites. Pour les uns et les autres, il faut que les Libanais se rendent aux urnes car la nouvelle loi électorale, établie par les accords de Doha, permet aux petites communautés du pays de se passer du jeu des alliances qui a marqué le système politique libanais, jusqu'à le compromettre. La victoire du Hezbollah hante tout le monde au point qu'Obama avait dépêché son adjoint Joe Biden en urgence à Beyrouth le 24 mai pour transmettre une mise en garde de l'administration américaine qui ne pourrait accepter un résultat électoral venant à l'encontre de ses intérêts dans la région. Il s'agit selon lui de “bien voter” pour barrer la route aux partis hostiles à la paix car les Etats-Unis détermineront leur programme d'aide en fonction de la composition et des politiques du prochain gouvernement. On ne peut être plus clair. L'échiquier libanais est très complexe. Certes, deux religions, des musulmans et des chrétiens, mais les deux groupes sont loin d'être monolithiques. Les musulmans se répartissent entre factions antagonistes, Sunnites, Chiites, Druzes et Alaouites tandis que douze confessions chrétiennes se concurrencent. Grosso modo, c'est donc deux grands blocs. Celui pro-occidental sous le label de Courant du Futur, de Saâd Hariri et son rival “pro-syrien et pro-iranien” comprenant le Hezbollah, les autres chiites d'Amal et leur allié chrétien regroupé derrière le général Aoun. Le Hezbollah a d'autant plus de chance de gagner qu'il a modifié au cours des dernières années son image en la rendant plus lisse. Nasrallah a réussi à faire de son mouvement un membre légitime de la communauté libanaise, en gommant son soutien étranger et lui donnant l'image du mouvement par excellence de la résistance libanaise contre Israël toujours en embuscade.