Le constat est effarant : “65% des travailleurs dans le secteur du bâtiment et des travaux publics ne disposent d'aucun moyen de protection. 35% des échelles doubles et 55% des échafaudages fixes ne répondent pas aux normes de sécurité.” Environ “60% des installations sanitaires ne répondent pas aux normes d'hygiène et de sécurité, c'est ce qu'a révélé une enquête nationale menée entre 2000 et 2005”. Ces résultats ont été communiqués lors d'un colloque organisé à Béjaïa, le deuxième du genre, ayant pour thème “L'économie de la santé”, organisé par l'université de Béjaïa. Dans une communication intitulée “Essai d'évaluation des accidents de travail en Algérie”, Kaïd Tililane Nouara et Azri Khoukha, universitaires du laboratoire Economie et développement de l'université de Béjaïa, ont estimé que “le nombre et le coût des accidents de travail ne cessent d'augmenter en Algérie”. Les conférenciers sont formels : “Les mesures de protection sont loin d'être respectées dans le secteur du bâtiment, et ce, malgré les textes de loi instaurant la protection des travailleurs contre les risques professionnels et l'existence de divers organismes spécialisés assurant la prévention des accidents de travail et veillant sur l'application des normes d'hygiène et de sécurité”. “La Cnas a enregistré en 2007, plus de 43 000 accidents de travail dont 9 000 sont graves et près de 1 000 sont mortels. Ces accidents ont occasionné plus de 1,7 million de jours de travail perdus et plus de 110 000 incapacités de travail”. Selon la Cnas, “le coût global de prise en charge sociale des accidents de travail est la somme du coût de prise en charge des blessés des accidents de travail et du coût de prise en charge des décès suite à un accident de travail. Ce coût supporté par la Cnas est passé de 27 milliards de dinars en 1992 à plus de 44 milliards de dinars en 2007”. Les coûts médicaux d'un blessé d'accident de travail a progressé avec un taux de croissance annuel moyen de 7%, passant de 7 500 dinars en 1992 à plus de 20 000 dinars en 2007. Les experts notent une carence de la réglementation régissant la santé et la sécurité des travailleurs, mais aussi une absence de prévention des risques. D'où la nécessité de mettre le cap sur une politique de prévention efficace. Dans la matinée, Serrier Hassan, doctorant en sciences économiques et Bejean Sophie, présidente de l'université de Bourgone (France), ont présenté une communication intitulée : “Le problème de la production de données en santé de travail”. “En France, affirme M. Serrier, le système d'indemnisation des victimes des risques professionnels est grippé et a créé une invisibilité des cas de maladies professionnelles”. “Cette sous-réparation, ajoute-t-il, est le résultat à la fois d'une sous-déclaration par les salariés et d'une sous-reconnaissance par le système. L'évolution du marché du travail tend à accentuer le problème”. Pour surmonter l'invisibilité des cas et évaluer le nombre réel de cas de maladies imputables à un facteur de risque professionnel, M. Serrier met en avant une méthode dite “des fractions de risque attribuable” qui constitue à ses yeux, “une solution intéressante mais qui nécessite des données épidémiologiques encore rares en France”. “Il est donc essentiel, conclut le conférencier, d'encourager les études, notamment celles permettant d'aboutir à la production de données dites matrices emploi-exposition”. C. L.