Un ouvrier du bâtiment meurt toutes les dix minutes dans le monde. 60 000 trouvent la mort chaque année, selon les statistiques de l'Organisation internationale du travail. En Algérie, on dénombre entre 400 et 450 décès dans le secteur du BTPH. Un chiffre effarant qui a poussé l'Association générale des entrepreneurs algériens à tirer la sonnette d'alarme en y consacrant un séminaire sur «la protection des biens et des personnes dans le secteur de la construction». Un séminaire organisé en partenariat avec le Centre d'études et de recherches sur l'investissement et le développement (CERID), dont le représentant de l'UGTA siège au conseil d'administration, en plus de l'Association algérienne de recherches en sciences sociales. C'est Mouloud Kheloufi, président de l'Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA), qui en a gros sur le cœur, qui ouvrira la séance. De but en blanc, il avancera des chiffres liés aux décès dans le secteur de la construction. «Pour la seule année 2007, on a dénombré entre 400 et 450 morts accidentelles dans ce secteur. Cela ne peut plus durer», a-t-il lancé non sans expliquer les objectif de la rencontre d'hier abritée par l'Agence algérienne des exportations, dirigée par M. Benini. «Les équipements de protection existent, la législation aussi. C'et l'application qui fait défaut», dira-t-il en guise d'interpellation des pouvoirs publics, particulièrement le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale. «Les cotisations que nous payons aux différentes caisses de la Sécurité sociale [toutes affiliées à l'Association internationale de la Sécurité sociale, NDLR], doivent être reversées au profit de la protection des travailleurs [que nous déclarons] sur les chantiers à travers la fourniture par le ministère du Travail, des équipements et non servir aux colonies de vacances», dira encore le président de l'AGEA. «Il faut que cela fasse partie d'un programme que l'on intègrera dans le cadre de celui relatif à la mise à niveau des entreprises, lequel devra comporter la formation en matière de prévention et de protection des personnes et des biens.» L'orateur soulèvera également la problématique de l'absence de contrôle des entreprises par les organismes concernés, ne serait-ce que par mesure de prévention. De la prévention, Salah Eddine Boukassem en parlera longuement. Le directeur de la formation, de l'information et de la communication au sein de l'Organisme de prévention des risques professionnels dans les activités du bâtiment, des travaux publics et de l'hydraulique (OPREPATPH), sous tutelle du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, évoquera le principe selon lequel la sécurité n'est pas seulement une obligation mais un droit. Et chaque entreprise se doit de se doter d'un plan d'hygiène et de sécurité. Il indiquera que le secteur du bâtiment comporte beaucoup de risques, en raison notamment du changement de la physionomie de l'ouvrage. «Un chantier est un véritable traquenard.» Le conférencier déplorera que son organisme ne soit pas sollicité pour des prestations par les entreprises de construction. Toutefois, il précisera que les cadres de son organisme se déplacent sur le terrain pour prodiguer des conseils aux promoteurs, qu'ils soient publics ou privés. Cependant, ils n'ont pas de pouvoir de coercition, lequel incombe à l'inspection du travail. Avec cette précision que les visites effectuées sur chantier par l'OPREPATPH ne couvrent pas l'ensemble des chantiers. Et pour cause ! Ils sont une centaine seulement à travailler dans cet organisme. Or, c'est toute l'Algérie qui est en chantier, au sens propre du terme. C'est dire la difficulté de récolter les informations quant aux statistiques fiables. Parce que les chiffres avancés par le président de l'AGEA sur les décès concernent les ouvriers normalement déclarés à la Sécurité sociale. Alors que ce sont des centaines de manœuvres qui interviennent au noir sur les différents projets. C'est le responsable de la Société algérienne de protection et de prévention industrielle (SAPPI) qui dira leurs quatre vérités aux opérateurs du bâtiment, mais aussi aux pouvoirs publics : «Quand on fait obligation aux entreprises d'être les moins-disants, on ne peut pas espérer qu'elles investissent dans la prévention et la sécurité de leurs ouvriers. Il faudrait peut-être revoir le code des marchés publics pour lever cette entrave.» Il évoquera l'autre revers de la médaille. C'est le refus des opérateurs de mettre la main à la poche pour protéger leurs employés. En ce sens qu'ils achètent des équipements importés qui ne répondent pas aux normes, à l'exemple des gants fabriqués à base de peau de porc, à raison de 50 DA pièce, des chaussures sans intercalaires et à semelle régénérée, des casques qui ne résistent pas. Ces produits ne comportent ni fiche technique ni certificat de conformité. Tous ces produits ne protègent pas ou très peu les ouvriers. Miser sur la qualité, moyennant des investissements, c'est se prémunir contre les risques d'accidents mortels, conclura le patron de SAPPI. M. Belaribi, de la SAA, sortira un peu du thème du séminaire. A juste titre. Il sensibilisera l'assistance quant à la nécessité de changer de mentalité et d'épouser la culture de l'assurance. Notamment celle liée aux catastrophes naturelles contre lesquelles l'Algérie n'est pas prémunie. F. A.