Bongo enterré mardi prochain, quid de la Fançafrique? A priori, pas de grands bouleversements. Les intérêts de ce groupement qui n'a jamais été institutionnalisé, même à ses heures de gloires, favorisent pour l'heure le statu quo. La France qui peine à préserver sa place sur l'échiquier international ne peut pas se débarrasser de son arrière cour africaine laquelle, par ailleurs, se rétrécit face à l'appétit des Etats-Unis, de la Chine, du Brésil et demain de l'Inde et de l'Afrique du Sud. Mais avec la disparition de Bongo, la France perd incontestablement un pilier de son emprise sur le continent noir. Depuis qu'il a pris le pouvoir en 1967 jusqu'à sa mort, le doyen de la chefferie africaine avait servi tous les chefs d'Etat français et, en retour, avait toujours été servi par eux tous, de De Gaulle à Nicolas Sarkozy. Les intérêts géostratégiques et économiques de la France au Gabon, ajoutés à la bienveillance sans limite de Bongo à l'égard des hommes politiques français ont renforcé les liens entre l'ancien agent des services français et l'ancienne puissance colonisatrice. Sarkozy avait promis de donner un coup de pied dans la fourmilière franco-africaine ! Bongo avait exigé et obtenu la tête de Jean-Marie Bockel, alors ministre de la Coopération française qui avait cru que l'heure de la rupture avait sonné. Le même Sarkozy devait également étouffer l'affaire des biens mal acquis par Bongo et ses pairs de la Fançafrique révélée par des associations et la presse françaises. Les biens mobiliers et immobiliers de Bongo en France et des comptes en banque ont donné le tournis aux Gabonais. Des fortunes que des associations comme Transparency International soupçonnent d'être de provenance douteuse, ou carrément issues de détournements des biens du pays. La Fançafrique demeure une réalité tenace. Elle survivra à Bongo, pronostiquent les analystes et ce “tant que des chefs d'Etat africains auront besoin de la France pour veiller sur leurs fauteuils et qu'en retour, la France devra s'appuyer sur eux pour prolonger son système néocolonial sous le pudique manteau de la coopération”. Et peut-être aujourd'hui plus qu'hier dès lors que ces mêmes présidents s'organisent pour exercer leur pouvoir à vie, voire établir des monarchies républicaines, faisant fi de l'alternance et de la démocratie, que la France louange à longueur et dont elle-même arrogée la filiation ! La Françafrique pour faire court rime avec pillage et soutien à des présidents africains abonnés à la mal gouvernance et à la prédation. Elle a encore des jours heureux devant elle. Le Gabon l'exemple même de cette politique, malgré son pétrole abondamment exploité par Total, n'a jamais décollé économiquement. Ce pays a même été contraint de demander à accéder au statut de pays pauvre très endetté (PPTE). La Françafrique, c'est la garantie pour la France de perpétuer le pillage systématique des richesses de ses anciennes colonies. Voilà pourquoi, l'Elysée participe activement à la succession de Bongo, qui pourrait bien revenir à Bongo fils (Ali), tout puissant ministre de la Défense, qui a pris la précaution de fermer les frontières du Gabon ou à Bongo fille, Pascaline, directrice du cabinet présidentiel du vivant de son père. Sarkozy veillera à ce que la mise sous terre de Bongo ne sonne pas le crépuscule de la Françafrique. Signe de l'importance que conserve le riche Gabon aux yeux de l'ex-métropole, Nicolas Sarkozy assistera à l'enterrement en compagnie de son prédécesseur Jacques Chirac.