Il y a 52 ans, le 4 juin 1957, plusieurs dizaines de Tlemcéniens étaient froidement abattus par l'armée française. Ceci à titre de vengeance suite à une offensive menée au centre-ville par cinq groupes de fidayne qui ont fait exploser simultanément quatre grenades dans des endroits stratégiques (siège de la gendarmerie, convoi militaire, café la Coupole, bâtisse occupée par la légion étrangère) faisant de nombreux morts et blessés dans les rangs de l'occupant. Pour commémorer cet évènement quelque peu occulté au fil des années, l'Association des anciens condamnés à mort de la wilaya de Tlemcen a organisé, jeudi, au siège de l'Aspewit (association de la protection de l'environnement) une rencontre débat avec la participation des derniers témoins historiques de cette tragédie et des moudjahidine ayant participé à l'offensive en question. M. Abdesslam Tabet, enseignant retraité, est intervenu le premier pour relater avec détails le déroulement de cette journée en rappelant que même l'imam de la grande mosquée Djelloul Benosmane, qui dirigeait à ce moment la prière du maghreb, fut assassiné sans sommation, ajoutant que ces évènements sont intervenus quelques semaines après la fameuse bataille de Fillaoucène (située à l'extrême ouest algérien près de la frontière marocaine) qui avait en quelque sorte sonné le glas du colonialisme. Pour sa part, M. Bellahcène Bali, historien et écrivain, auteur de nombreux ouvrages sur la guerre de libération nationale, lui-même ancien condamné à mort, a déclaré à propos de cette journée sanglante : “Ce fut une journée horrible et des plus terribles. Les combattants de l'ALN (Armée de libération nationale), de plus en plus aguerris et de plus en plus intrépides et efficaces, portaient des coups sévères à l'armée coloniale, tantôt au cours de véritables batailles, tantôt par des attentats ou des sabotages. Face à cette généralisation de la résistance, a-t-il ajouté, une répression féroce et aveugle allait suivre ces actions des patriotes. La soldatesque fut lâchée sur la population civile avec plusieurs dizaines de personnes assassinées.” Il témoigne que “jamais Tlemcen n'a vu pareille horreur, des mercenaires sénégalais et des légionnaires profanèrent les lieux sacrés de l'islam et massacrèrent des dizaines d'innocents sous l'œil approbateur et complice de leurs officiers français”. M. Bali a ensuite indiqué que “toutes les opérations accomplies par les fidayne avaient atteint leur but. Elles affolèrent l'ennemi et mirent à mal son dispositif considéré auparavant, comme infaillible. La réussite de ces opérations était telle, que le moral de l'armée française en fut ébranlé”. Cette rencontre sans protocole fut un moment de souvenir pour les acteurs et les témoins de ce massacre qui au lieu de faire fléchir la population lui a, au contraire, insufflé un sang nouveau pour la poursuite de la lutte armée, seule alternative pour recouvrer l'Indépendance. Tous les intervenants et particulièrement les anciens condamnés à mort ont souligné la nécessité d'assumer le devoir de mémoire pour les générations montantes. Ils ont, par ailleurs, rendu hommage à M. Bali Bellahcène, âgé maintenant de 73 ans, qui continue d'apporter sa contribution à l'écriture de l'histoire de la guerre de libération nationale. Il a publié Mémoires d'un jeune combattant de l'ALN à Tlemcen et sa région 1956 -1958 (préfacé par Mahmoud Bouayad), le Rescapé de la ligne Morice, le Colonel Lotfi, Héros anonymes de la wilaya IV, et termine un autre ouvrage sur l'Epopée d'une jeunesse saignée à blanc.