Une approche sélective qui, pour certains, donne une moyenne de 1,2 million d'Algériens souffrant de surdité “à différents degrés”, comme avancé par un médecin prothésiste d'appareils auditifs installé à Alger, ou encore le 1/5 de la population globale du pays qui est affecté par un handicap partiel. L'un des aspects les plus méconnus de l'échec scolaire, à grande échelle, reste le problème de la demi-surdité, un terme barbare utilisé autrefois pour désigner les élèves malentendants. La surdité en milieu scolaire, qui toucherait en moyenne trois, voire quatre élèves par classe, selon les estimations de Mme Lazouni, la gérante d'Audifel, une entreprise spécialisée dans l'appareillage et la réhabilitation des malentendants, contribue grandement à renforcer les statistiques sur la déperdition scolaire. Le constat, qui pourrait facilement se poser en termes de problème de santé publique, vu son ampleur, prend des proportions insoupçonnées en l'absence de tout programme de dépistage ou d'ébauche d'un plan national pour lutter contre les problèmes d'audition en milieu scolaire et surtout au niveau du premier palier de l'éducation. Même si le dépistage systématique des élèves est hors de propos à cause de son coût excessif (un audiomètre coûte quelque 40 millions) et de l'insuffisance chronique du personnel spécialisé, il n'en demeure pas moins que la formation des instituteurs et des enseignants du cycle moyen à reconnaître un élève souffrant de troubles auditifs reste la solution la plus préconisée dans ce cas de figure. “Même en Europe, on a essayé de systématiser le dépistage en milieu scolaire, mais on a dû se rendre à l'évidence que c'était une voie sans issue et on s'est tourné vers la formation des enseignants”, expliquera Mme Lazouni. Une option qui a déjà fait son bout de chemin à l'ouest du pays puisque l'année dernière, Audifel, en collaboration avec la Mutuelle Assistance scolaire de l'Ouest, a initié un cycle de formation qui a touché une dizaine de wilayas et quelque 300 enseignants. Une première nationale qu'espère notre interlocutrice voir se généraliser dans ce qui peut-être considéré comme une première base d'un véritable plan de lutte contre ce problème. “Faire un dépistage dans une classe ne coûte absolument rien avec une formation rigoureuse de l'enseignant et l'utilisation de la voix humaine qui peut être modulée à souhait et à qui on peut changer d'intensité pour dépister les élèves qui posent problème”, ajoutera la gérante d'Audifel. Les symptômes d'un élève malentendant se traduisent généralement dans le retard pris dans la lecture et la dictée par rapport aux autres élèves “normaux”, la déformation des lettres et au fait qu'il fasse répéter son instituteur. “Ces enfants posent problème parce qu'on ne les détecte pas facilement. L'élève malentendant compense à travers la lecture labiale”, dira notre interlocutrice. Ces signes, ajoutés au caractère de l'élève, renfermé ou agressif, doivent attirer l'attention de l'enseignant qui doit l'orienter vers le médecin scolaire qui, à son tour, doit le diriger vers l'ORL. Ce dépistage “précoce” peut sauver l'enfant si le problème est traité à temps. “En Algérie, les otites à répétition sont souvent la cause de cette demi-surdité et il existe une surdité appareillable où grâce à une prothèse auditive, l'enfant peut recouvrer 90% de son audition normale et éviter ainsi d'avoir un enfant handicapé à vie puisque pas mal de surdités sont évolutives.” Attention aux pétards ! Comme moyens préventifs, Mme Lazouni insiste sur le traitement à temps des problèmes auditifs dépistés et de se prémunir surtout contre les éventuels traumatismes de l'oreille qui peuvent conduire à une brusque et irréversible chute de l'audition chez l'enfant. “Les plus dangereux restent les pétards et les baladeurs”, ajoutera notre interlocutrice. L'autre danger est celui de l'automédication, à travers la prise d'antibiotiques ototoxiques, à l'exemple de la Néomycine, qui peuvent engendrer la perte de l'audition. Ne pas introduire n'importe quel objet dans l'oreille à dessein de la curer, ce qui peut lui provoquer des lésions et surtout éviter les cotons-tiges pour les enfants. Soigner les otites est primordial aussi bien pour la sauvegarde de l'ouïe que pour prévenir d'autres pathologies qui peuvent aboutir jusqu'à des abcès du cerveau. Quand on sait que l'Algérie est classée comme pays à risque concernant le cancer du cavum, et que dans un tiers des cas, il est dépisté par la surdité, le dépistage n'en devient que nécessaire. Quant à la surdité brusque, ce qu'on peut appeler un coup de tonnerre dans un ciel serein, le Dr Lazouni estime qu'il ne faut pas négliger cette surdité qui intervient du jour au lendemain. “Il faut aller consulter un spécialiste dans la journée même parce que 72 heures passées, on ne récupère plus son oreille.” Par ailleurs, et en absence de chiffres réels sur le nombre et la situation des malentendants en Algérie, le seul barème qui puisse être pris, plus ou moins, en compte reste l'appréciation personnelle des spécialistes. Une approche sélective qui, pour certains, donne une moyenne de 1,2 million d'Algériens souffrant de surdité “à différents degrés” comme avancé par un médecin prothésiste d'appareils auditifs installé à Alger ou encore le 1/5 de la population globale du pays qui est affecté par un handicap partiel, évolutif ou stagnant comme tient à le souligner Mme Lazouni qui calque ses estimations sur les 10% de malentendants que compte l'espace européen. “1/5 de la population nationale souffre de problèmes d'audition, ce qui est en fait un problème de santé publique”, dira-t-elle. Le réseau Audifel, qui couvre actuellement 11 wilayas dont Oran, Alger, Constantine ou encore Annaba et Mostaganem, est considéré comme le leader incontesté sur le marché national et s'est tracé comme objectif “de couvrir tout le territoire national dans les deux ans à venir”. Pour Mme Lazouni, le taux des malentendants a progressivement augmenté de manière inquiétante, ces dernières années, pour toucher toutes les couches sociales. Les principales raisons sont à chercher, selon les spécialistes, dans les nuisances sonores notamment chez les adolescents et les jeunes. “Certaines personnes qui ont 25 ans présentent des oreilles de 70 ans”, affirme la gérante d'Audifel qui tire, au passage, la sonnette d'alarme sur le vieillissement précoce de l'oreille. L'autre aspect de l'équation réside dans l'appareillage qui doit être “rigoureusement” réalisé par de vrais spécialistes de l'audition sinon le risque d'une dégradation supplémentaire de l'audition n'est pas à écarter. Audifel s'enorgueillit de procéder au montage d'une bonne partie de ses appareils auditifs à Oran même.