En dépit des interdictions qui leur ont été signifiées par le tribunal militaire de Blida, les deux anciens responsables du parti islamiste dissous, Abassi Madani et Ali Benhadj, font dans la provocation, allant jusqu'à défier l'Etat et la société, particulièrement les victimes du terrorisme. Le mercredi 2 juillet, jour de sa libération, l'ancien président de l'ex-Fis a fait parvenir un “appel au peuple algérien”. Abassi Madani, qui a bénéficié d'une levée de la mesure de “résidence surveillée”, ne veut pas perdre la face et multiplie ses sorties à la mosquée, surveillé de très près par les services de sécurité. Le jour de la commémoration du 41e anniversaire de l'Indépendance, le cheikh s'est même permis un déplacement à Thénia, dans la wilaya de Boumerdès, pour rendre visite à des familles sinistrées. Il a fallu le contraindre, “diplomatiquement”, à rebrousser chemin vers Alger. Plus intransigeant et plus provocateur, le numéro deux du parti dissous s'est également dirigé vers la mosquée Ibn-Badis de Kouba, promettant à certains fidèles de revenir prier avec eux “comme au bon vieux temps”. C'est-à-dire, au temps où il était imam de cette mosquée et où il enflammait les foules, en les prévenant contre la démocratie, qualifiée de “kofr”, et en leur promettant l'instauration de la “Dawla islamiya”. Juste après sa libération, Ali Benhadj s'est présenté devant le siège de la Télévision algérienne, demandant de s'adresser à la nation, passant outre le communiqué du tribunal militaire. Contrairement à Abassi Madani, l'ancien imam de Kouba, qui a été incarcéré pour “atteinte à la sécurité de l'Etat”, a refusé de signer le procès-verbal de notification, portant “interdiction liées à sa condamnation”. Un acte interprété par des juristes comme “une obstruction à la justice” et pouvant faire l'objet, selon eux, d'une poursuite par le parquet général pour “non-respect des termes des dispositions du jugement”. Le silence de la justice, et de l'Etat en général, laisse bon nombre d'observateurs très perplexes. La libération des chouyoukh intervient dans un contexte de malaise social profond et de surenchère politique, en prévision de l'élection présidentielle. Ce silence est très mal compris par les différentes associations des victimes du terrorisme et par leur fédération internationale, qui remettent en cause le jugement des deux chefs islamistes, considérant leur libération comme “une atteinte à la mémoire des victimes” et un “manque de solidarité et de respect à leurs familles et à tous ceux qui continuent à lutter (...) contre ce fléau pour la sauvegarde de l'Algérie”. Il est d'ailleurs attendu prochainement l'introduction de plusieurs plaintes contre Ali Benhadj, qualifié de “criminel”. Il doit, selon les associations de victimes du terrorisme, “être jugé pour crime contre l'humanité”, affirment-elles. L'attitude des autorités qui ont interdit aux journalistes étrangers de couvrir la libération des anciens chefs de l'ex-FIS, sous le prétexte d'“atteinte à la souveraineté de l'Etat”, a de quoi intriguer devant les transgressions par les chouyoukh des interdits civiques et les “rapprochements” entre le numéro deux du parti dissous et la formation de Abdellah Djaballah. Cela peut expliquer, d'une certaine manière, la colère de Mme Chérifa Kheddar, présidente de l'association Djazaïrouna, qui a reproché récemment à l'Etat de ne pas manifester “une volonté politique plus tranchée”, en rappelant à juste titre que “Abassi Madani et son compagnon Ali Benhadj sont la source de la tragédie qu'a subie le peuple algérien dans toutes ses dimensions, durant une décennie, et qui continue malheureusement jusqu'à nos jours”. Aujourd'hui, la question reste posée : qu'est-ce qui empêche le pouvoir de faire respecter la loi ? H. A.