Le contexte dans lequel interviennent ces fermetures à la queue leu leu, marqué par une “réislamisation” rampante et une bigoterie ambiante de la société, nous amène à nous poser légitimement des questions sur les mobiles réels de la démarche. Depuis quelques mois, nous assistons, interdits, à une véritable croisade contre les commerces de vins et liqueurs et autres débits de boissons alcoolisées, dont les “proprios” sont sommés de baisser rideau, alors que beaucoup sont dans le métier depuis des générations. Les conséquences dévastatrices de cette opération d'un autre âge, qui n'est pas sans nous rappeler d'ailleurs les fameuses “campagnes de lutte contre les maux sociaux” de l'époque du parti unique, sont déjà perceptibles à certains endroits comme La Pérouse, La Madrague, réputés pour être des îlots de bon vivre résiduels dans la capitale. Le contexte dans lequel interviennent ces fermetures à la queue leu leu, marqué par une “réislamisation” rampante et une bigoterie ambiante de la société, nous amène à nous poser légitimement des questions sur les mobiles réels de la démarche. Quand quelqu'un comme le wali de Boumerdès, pour être dans l'ère du temps politique, pousse le zèle jusqu'à déclarer mordicus qu'il ne “raterait aucune occasion pour fermer des établissements existants si l'occasion se présentait”, on ne peut qu'avoir des doutes sur ces mobiles. Evidemment, les autorités se défendent de toute motivation religieuse, expliquant à qui veut bien les croire qu'elles agissent par souci exclusif de “salubrité publique”. L'alibi tient la route car, effectivement, il y a un besoin urgent de remettre de l'ordre dans ce secteur gagné par la clochardisation, qui a fait des ravages ailleurs. Quand on voit ce spectacle désolant de bouteilles de bière vides qui jonchent les bas-côtés des routes, agressant à la fois le regard du passant et l'environnement, quand l'ordre public et la tranquillité des citoyens sont menacés par le tapage nocturne des bars et des boîtes de nuit, on ne peut que souscrire et appuyer la démarche des autorités à rétablir les normes d'hygiène et de tranquillité. En fait, dans cette affaire où il est question surtout de liberté individuelle — c'est-à-dire que les autorités n'ont pas à s'ériger en directeurs de conscience —, où il est question aussi de considérations liées à la relance du tourisme dans notre pays, il s'agit pour le pouvoir de faire la juste part des choses en distinguant le bon grain de… l'ivresse.