Liberté : Il semblerait que Mounib est arrivé à Mayor Clinic (Minnesota, Ohio) dans un état de santé critique. Est-il possible de nous expliquer son cas et les complications dont il souffrait lors de son transfert ? Dr Azzedine Medhkour : Mounib est arrivé à la clinique dans un état de stupeur ou de coma. Il souffrait d'une une méningite cérébro-spinale (le sac du myéloméningocèle qui était fermé avait des fuites. Quand le liquide céphalorachidien sort, les microbes rentrent). Le neurochirurgien Frederic Mayor m'a dit qu'il ne pouvait pas l'opérer, jusqu'à ce que son état se stabilise. Une fois que son état s'est amélioré, l'intervention a eu lieu. La suite, vous la connaissez. Dans les pays développés, dont les Etats-Unis, on opère les bébés, atteints de spina-bifida, 24 heures ou au plus tard 72 heures après la naissance... Bien sûr, la peur qu'on a avec ces enfants est que le sac, qui est fait d'une couche fine couvrant en partie la moelle épinière, qui est attachée à la peu, rompe facilement. C'est pour cela qu'une intervention chirurgicale doit avoir lieu dans les 72 heures après la naissance, pour éviter la méningite, qui mène vers des séquelles graves, comme le retard mental ou la mort. Quels sont les progrès auxquels est parvenue la neurochirurgie, dans ces pays-là, pour réussir une telle prouesse ? Cela ne demande pas une prouesse. Ce sont des interventions qui peuvent se faire en Algérie. Il faut juste former quelques neurochirurgiens en pédiatrie, mais surtout créer de grands centres de pédiatrie comme l'hôpital Necker à Paris où existent toutes les spécialités infantiles et néonatales. Cela doit se faire à Alger, Oran, Constantine et Annaba. Comment opère-t-on ces enfants nés avec cette malformation congénitale ? Le problème se pose dans le fait qu'on opère des nouveaux-nés qui sont très fragiles et qui ont un poids souvent en dessous de la normale. On a donc besoin de gens formés en néonatologie, particulièrement des anesthésistes capables d'endormir des nouveaux-nés avec des malformations complexes comme le myéloméningocèle et d'autres anomalies congénitales associées. Le myéloméningocèle va nécessiter la chirurgie dans les 48 heures après la naissance. *Le neurochirurgien effectue la première partie de l'intervention pour s'assurer que les nerfs qui sont encore fonctionnels seront préservés. Ceci est possible à l'aide d'un stimulateur qu'on utilise durant la chirurgie de la moelle épinière et grâce à un système informatique. Chaque stimulation est visualisée sur ordinateur. On peut ainsi éviter de couper accidentellement des fibres nerveuses fonctionnelles. On utilise aussi des stimulateurs de nerfs périphériques — j'ai ramené un système semblable en Algérie. Malheureusement, je n'ai pas pu les utiliser. Une fois la fermeture du sac neural est faite, on fait appel au chirurgien plasticien qui fera un mouvement de muscles et de peau de telle façon à ce qu'il n'y ait pas de nécrose compliquée de fuites de liquide céphalorachidien qui peut conduire à la méningite. Avancer dans l'âge est-il un facteur aggravant ? Bien sûr, car l'enfant encourt le risque de méningites à répétition. Il est exposé à la débilité mentale et à d'autres séquelles. Un grand pourcentage n'atteint pas l'âge de 10 ans. À savoir si ces enfants, pris en charge très tôt, ont une chance de guérison extraordinaire ? Pas nécessairement. Mais nous ne sommes plus au XIXe siècle. Ces enfants ont droit à une chirurgie. Ce sont des vies humaines, qui peuvent avoir une existence normale. L'une des meilleurs professeurs neurochirurgiens américains, qui exerce à l'université du Michigan, a été opérée d'un myéloméningocèle. Quelles sont les failles de la prise en charge médicale et chirurgicale de ces cas-là en Algérie ? Malheureusement, la méconnaissance des parents durant le stade de grossesse où la femme souffre d'un manque en acide folique. Sinon, je dirai que les femmes, dans les montagnes, ne sont pas touchées par la campagne de sensibilisation. C'est une maladie qui peut être prise en charge en Algérie, où nous avons d'excellents neurochirurgiens, qui font des prouesses dans des interventions beaucoup plus complexes que le myéloméningocèle. Il suffit juste d'avoir des spécialistes formés en neurochirurgie pédiatrique. Après Mounib, Ayoub et Khadidja, l'association AAAGW ne pourra prendre que deux autres enfants, puis arrêter les transferts. Pour quelles raisons ? L'Association algéro-américaine de scientifiques (AASA) a collaboré avec l'AAAGW pour faire venir ces premiers enfants. Nous avons l'autorisation à l'hôpital St-Vincent d'opérer quelques enfants. Je ne vais pas opérer un enfant tous les 4 mois comme ils me l'ont proposé, mais peut-être tous les six mois. Souhaitez-vous venir opérer les enfants, souffrant de spina-bifida, en Algérie. Quels sont les blocages ? Absolument. Je ne veux pas m'attarder sur les blocages. Je pense que les gens sauront lire entre les lignes. Je ne mets en cause personne. J'ai eu la chance de rencontrer plusieurs ministres. Ils ont été très réceptifs. Malheureusement, les collègues neurochirurgiens prennent notre démarche du mauvais côté. Je ne veux créer aucun problème. Tout ce que je souhaite est de connecter la neurochirurgie chez nous avec cette spécialité aux Etats-Unis. Ce qui importe pour moi, et je le répète, ce sont les enfants. Je veux qu'ils soient bien pris en charge, et inch'Allah en Algérie. Si l'on voit que c'est difficile, on continuera à les prendre de temps à autres aux Etats-Unis.