Le président de la Société algérienne de neurochirurgie (Sanc), le professeur Sidi Saïd Abderrahmane, réagit au quart de tour dès qu'on évoque devant lui l'affaire des bébés évacués aux Etats-Unis pour être opérés de leur myéloméningocèle. “Le spina-bifida est parfaitement pris en charge en Algérie. Nous soupçonnons derrière ces actions d'autres visées.” À partir de là, le professeur en neurochirurgie n'aura de cesse de fustiger les initiateurs de la démarche, particulièrement son confrère le Dr Medhkour. Pourtant, les premiers contacts entre les deux parties ont été plutôt placés sous de bons auspices. En témoigne l'échange de messages électroniques, en été dernier, entre le président de la Sanc et le Dr Stanbouli, conseiller médical dans un hôpital à Washington DC et leader de l'AAAGW. Le professeur Sidi-Saïd a écrit que les neurochirurgiens algériens seraient “disposés à échanger nos expériences et à coopérer avec les neurochirurgiens des Etats-Unis comme nous le faisons actuellement dans l'espace francophone, arabe et africain”. Il avait décliné, auparavant, un don de matériel médical, au motif que “l'Algérie dispose de moyens humains, techniques et matériels à même d'assurer à sa population la prise en charge optimale de nombreuses affections neurochirurgicales telles que la chirurgie du Parkinson et des mouvements anormaux, les tumeurs cérébrales, la chirurgie stéréotaxique…” Il a donné pour exemple le service de neurochirurgie de Blida, dirigé par le professeur Bouyoucef, en rappelant que le Dr Medhkour a eu l'occasion de le visiter, en mars 2008, lors du 1er cours africain de neuroendoscopie. Les rapports, au départ cordiaux, se détériorent rapidement après que le Dr Medhkour eut amorcé des démarches, en juillet 2008, pour opérer des enfants atteints de spina-bifida à Alger, puis devant l'échec de l'entreprise, décide de transférer d'autres bébés aux Etats-Unis. Ses confrères algériens ressentent cette initiative comme un discrédit de leurs aptitudes à prendre en charge l'une des plus graves malformations congénitales. “Je ne vois pas pourquoi on exporte nos enfants à l'étranger”, fustige le professeur Bouyoucef, chef de service de neurochirurgie au CHU Frantz-Fanon de Blida. “Des centaines de cas sont opérés en Algérie. Les neurochirurgiens algériens sont très compétents. C'est une honte de prétendre le contraire”, ajoute-t-il. Son équipe est la seule, au niveau nationale, à opérer les enfants souffrant de myéloméningocèle avec le concours d'un chirurgien plasticien, dans le but de bien fermer la plaie et d'éviter l'infection, voire la surinfection. Le professeur Bouyoucef projette, d'ailleurs, de commencer à opérer les bébés très jeunes, pour parer aux complications. Il explique, à ce titre, que les cas malheureux existent partout, car la forme la plus sévère du spina-bifida (la moelle épinière sort de son canal) laisse irrémédiablement des séquelles graves, comme la paraplégie et l'incontinence urinaire et fécale. Il précise que le gros problème qui se pose en Algérie a trait au déficit de prévention, qui réduirait, par la même occasion, la fréquence de la malformation congénitale, qui est actuellement de l'ordre de 3/1 000 naissances vivantes. La prescription de l'acide folique, un mois avant la grossesse et durant les trois premiers mois de la vie in utéro, protégerait le fœtus du mal, qui l'aurait guetté autrement. “Nous nous battons pour ça contre le ministère de la Santé, qui ne fait pas son travail de prévention”, a asséné le professeur Bouyoucef. “C'est un problème épineux, il y a des dessous derrière ces actions, puisqu'il y a demande d'argent”, lance-t-il, accusateur en direction des initiateurs des transferts des enfants vers les hôpitaux américains. Il est aussitôt conforté dans sa suspicion par le président de la Sanc. “C'est une association de malfaiteurs qui joue de la détresse et de la crédibilité des gens. Ce sont des centaines de milliers de dollars (américains, ndlr) collectés alors que les interventions (dans les institutions de soin américaines, ndlr) sont gratuites”, fustige-t-il. Dr Stanbouli, joint par téléphone à Washington DC où il réside, se défend, au même titre que ces compagnons, de brasser de l'argent pour leur propre compte. “Nous avons collecté 160 000 dollars pour Mounib. 93 500 dollars ont servi au paiement de l'avion médicalisé affrété spécialement pour l'évacuation du garçon qui se trouvait dans le coma. Le reste a été donné à sa famille, qui s'est réfugiée aux Etats-Unis.” Il atteste qu'aucun sou n'a été demandé pour Ayoub, le deuxième bébé évacué, et qu'on ne sollicite, actuellement, les donateurs, que pour aider aux dépenses du séjour de la maman de Khadidja, qui a été opérée, jeudi dernier, au John's Hopkins Hospital de Baltimore, à Maryland. “À cause du terrorisme, la collecte d'argent pour des actions de charité est sévèrement contrôlée aux Etats-Unis”, argumente-t-il. “Nous ne voulons pas polémiquer avec les neurochirurgiens algériens. Nous souhaitons juste que ces enfants aient droit à une chance de s'en sortir”, conclut notre interlocuteur.