Même si l'astrolabe de la Grande-Mosquée d'Alger a été un des points importants de la conférence du Pr Djebbar, il y avait également plusieurs autres sujets abordés ce jour-là. Faire défiler huit siècles (du 7e au 15e) de sciences arabes en près de deux heures, et avec l'art et la manière, est une prouesse que lui ont reconnue tous les présents dans la salle d'El-Mouggar. Certains n'hésitaient pas à dire à la sortie : “On se sent vraiment moins ignorants.” L'astrolabe n'étant pour lui qu'une des nombreuses formes qu'a laissées l'empire musulman. Une affirmation que le conférencier avait voulu montrer, en plus de la pédagogie et des bagages, avec un humour des plus instructifs. Parler du Khalifa Al-Mamoun tout en touchant au système éducatif algérien, il fallait le faire : “Ce n'est qu'à l'âge de 24 ans que j'ai découvert l'existence d'Ibn Khaldoun. C'était à Paris et j'étais déjà diplômé en droit !” Voulant bousculer idées reçues et tabous, le passionné d'histoire qu'est le professeur Djebbar s'est attelé à démontrer, avec moult arguments, que beaucoup de vérités sont ailleurs. À l'histoire des grands hommes (en citant El-Fârâbî, Averroès et Avicenne qui ne représentent, selon lui, que 0,001% de la communauté scientifique) préconisée par les orientalistes, il préfère appliquer l'histoire des sciences. Il n'a pas hésité à dire qu'il ne pouvait pas accepter les “arbres plantés par l'orientalisme occidental”. Il avait beaucoup insisté sur le fait que l'islam pendant ces siècles n'avait rien à voir avec la stagnation en indiquant, par exemple, que “la musique est un chapitre de la mathématique et donc des musulmans”. Un des présents avait demandé au conférencier les raisons de son choix d'utiliser l'expression d'empire musulman à la place de khalifa. La réponse du professeur se voulait pertinente : “Avant tout, c'est la première fois qu'un empire a comme moteur premier une religion, et c'est le premier empire qui a eu le plus de frontières maritimes dans l'histoire de l'humanité. Je dirai encore mieux que j'utilise aussi ce que j'appelle pax islamica de par l'élément pédagogique qu'il représente”. Il lancera au bout, comme pour montrer le chemin du retour, une phrase : “Au début, il faut bien être l'élève du maître, et il n'y aura de vraie civilisation que lorsque l'élève dépassera le maître.” Si le président de l'Association des anciens medersiens, le professeur Mourad Aït Belkacem, avait remercié à la fin de la conférence l'ex-ministre d'“avoir parlé d'une époque peu ou mal connue”, du fond de la salle d'autres avaient répliqué : “Plutôt totalement inconnue”. C'est vrai que le Pr Djebbar répétait à satiété : “Il faut avant tout décoloniser l'histoire…”