Le chanteur, qui a échappé à la cour d'assises à cause d'une correctionnalisation des faits qui lui sont reprochés, a eu moins de chance devant le tribunal de Bobigny qui l'a condamné à 5 ans de prison, alors que le procureur avait requis 7 ans. Son manager Michel Lévy a écopé de 4 ans de prison. Hicham Lazaâr, l'homme de confiance du chanteur, et Abdelkader Lallali, soupçonné d'être son homme de main en Algérie, ont été condamnés par contumace à respectivement 3 ans et 6 ans de prison. Présentés par le procureur comme des “exécutants”, les juges ont lancé des mandats d'arrêt contre eux. Il avait promis de dévoiler un “complot”, dont il aurait été victime de la part de son manager “juif”, mais il a craqué devant le tribunal. Cheb Mami a avoué son “secret”. Il a reconnu sa “faute”. Sa responsabilité dans un acte “monstrueux”, selon ses propres termes. “J'avais mon secret jusqu'aujourd'hui”, a-t-il dit sans hésitation, surprenant même ses avocats. Me Claire Doubliez et Djafar Aci ne semblaient pas s'attendre à ces aveux. Chemisette blanche sur pantalon en coton gris, mocassins miel, la star ne parvenait pas à dissimuler son malaise dans le box des accusés. Lorsqu'il est interrogé, sa voix s'étrangle à plusieurs reprises. Il se prend le visage dans les mains, éclate en sanglots et manque de vaciller. Que s'est-il donc passé en cette fin d'août 2005, entre des protagonistes liés par une amitié supposée solide, mais surtout par des intérêts avérés ? Outre Mami, il y avait son manager Michel Lévy-Le Corre, le collaborateur de celui-ci Hicham Lazhar, directeur artistique, Abdelkader Lallali, l'homme de confiance de Mami en Algérie, un personnage à la réputation sulfureuse. Il y avait aussi Isabelle Simon. Photographe à l'agence Sipa, elle est appréciée par Michel Lévy qui en fait sa photographe attitrée à partir de 1997. À partir de janvier 2004, elle noue une relation avec Mami. Une relation discrète mais sans projets, admettent-ils. Marié une première fois avec une femme vivant à Rotterdam (Hollande), Mami a une fille. Il se remarie en 2006 avec une jeune cousine qui lui donnera un garçon. Il n'a donc jamais envisagé de “lendemain” avec Isabelle Simon qu'il va voir de temps en temps chez elle. La photographe reconnaît une autre liaison avec un musicien. Mami parle d'une “relation périodique” rythmée par 6 ou 7 rendez-vous. La photographe en évoque une quinzaine jusqu'à ce voyage en Egypte en juin 2005 où la rencontre se conclut par une grossesse. Mami en est informé le 20 juillet. D'abord incrédule, il est ensuite sonné. “C'était la honte pour moi d'avoir un fils ou une fille illégitime”, explique-t-il en parlant de sa réputation, de ses valeurs, de sa religion. Un projet d'avortement est alors conçu en France mais n'aboutit pas puisque la partenaire décide de garder le bébé. Déjà mère d'une fille, elle veut le garder jurant qu'elle n'allait pas réclamer reconnaissance de paternité, ni pension alimentaire comme c'est le cas avec le père de son premier enfant. En août, un projet de mission en Algérie plusieurs fois reporté se met en place. Il s'agissait de promouvoir un disque le Son du bled avec des chanteurs algériens inconnus. Isabelle Simon est du voyage pour réaliser les photos. Accompagnée de sa fille, elle arrive à Alger le 28 août avec l'intention d'être hébergée par une amie. Elle est accueillie à l'aéroport par Hicham Lazhar qui la conduit effectivement chez son amie, avant d'insister pour l'amener, sans sa gamine, dans un bungalow qui ne sera jamais situé. Accablée par la chaleur, elle ingurgite plusieurs verres du jus d'orange qui lui étaient offerts. Commencent ensuite des engourdissements. “J'étais dans le cirage. Je vacillais, je n'arrivais pas à prononcer un mot.” La photographe s'allonge alors sur un lit. Une femme arrive pour lui faire “une piqûre de vitamines”. Vers 23h00, elle est invitée à quitter le bungalow. Arrive un taxi où elle est poussée et découvre Kader, “un homme que je ne sens pas”. La portière se referme comme un piège. Une demi-heure après, elle se retrouve dans une villa qui sera identifiée plus tard comme celle de Mami à El-Biar. Elle est jetée sur un matelas et insultée. Le pantalon arraché, une femme se met à califourchon sur son ventre tandis qu'une autre introduit sa main dans le vagin pour la “gratter”. Les saignements sont abondants mais le fœtus résistera miraculeusement car Isabelle Simon a été dotée par la nature d'un utérus rétroversé. Le scénario est tel, mais qui en est l'auteur ? Devant le tribunal, les contradictions n'ont pas été dissipées d'autant que Hicham Lazhar et Abdelkader Lallali n'étaient pas là. Pour Mami, le scénario a été écrit par Michel Lévy qui a fini par l'influencer et ne se serait pas déroulé comme prévu. “L'avortement devait se dérouler de manière honnête et légale dans une clinique, mais il y a eu un imprévu au dernier moment. Kader a alors paniqué. Il m'a appelé et m'a dit “c'est toi qui nous a foutus dans la merde. On vient chez toi, dégage'”. Mami prétend avoir quitté sa villa pour se rendre à l'hôtel Hilton. Il n'aurait donc pas assisté à la séance d'avortement. Sa version ne convainc pas la procureur Ophélie Champeaux qui ne croit surtout pas à la thèse de la clinique du moment que l'avortement est interdit en Algérie. Pour elle, Mami a incontestablement participé à l'écriture du scénario lors d'une réunion dans le bureau de Michel Lévy chargé, pour sa part, d'envoyer la photographe en Algérie sans éveiller ses suspicions. D'où la mission pour le Son du bled. Il aurait fourni l'argent qui a servi à l'achat de la “drogue du violeur” par Lazhar. Les analyses, réalisées bien après les faits, n'ont pas permis d'identifier le produit utilisé. À la fin de la “séance”, à cinq heures du matin, Mami aurait passé un coup de fil à son manager resté à Paris pour lui dire que “tout s'est bien passé”. Revenue en France, la photographe s'est aperçue de la viabilité du fœtus. Elle le fait savoir et se trouve l'objet de menaces de la part de Kader qui jure, selon ses dires, de s'en prendre à sa fille de 3 ans et demi. Un compromis est trouvé en octobre grâce à un avocat. Contre le versement de 30 000 euros et sa tranquillité, Isabelle Simon renonce à déposer plainte. Seul un montant de 5 000 euros lui sera versé. Mami et ses proches la soupçonnent de mettre un ballot sous ses vêtements pour cacher la perte du fœtus. La plainte est finalement déposée le 26 novembre 2006 au commissariat de Saint-Denis, près de Paris. Le 28, alors qu'elle se trouvait avec les policiers, la plaignante reçoit un appel du chanteur qui le compromet définitivement. “J'a vu le sang. Ils t'ont grattée. Ils ont mis les cinq mains, pardon les cinq doigts. T'as plus le bébé...” La conversation, enregistrée, signifie une présence du chanteur sur les lieux du délit. Il s'en défend. Devant le tribunal, il dit qu'il évoquait en réalité “quelque chose” (un caillot de sang, semble-t-il), que Kader lui avait apporté comme preuve de la réussite de l'avortement. Michel Lévy se défend d'avoir participé à l'écriture du scénario. Ses avocats en veulent pour preuve ses conseils à la photographe pour l'amener à déposer plainte et le déclin des affaires de Mami en France. Depuis 2003, le chanteur se livre à la spéculation immobilière en Algérie. Son avocate, Me Doubliez, reconnaît des “faits légitimement reprochés”. L'autre, Me Aci, parle du piège tendu par la victime pour amener Mami à une paternité qu'il ne voulait pas. Appelé à dire un dernier mot, le chanteur a affirmé regretter tout ce qui s'est passé. “Je demande pardon à Isabelle”, a-t-il dit. Le môme de Saïda a admis avoir “pété un plomb”. Les faits ne correspondent pas à la personnalité du chanteur couvert de tous les éloges par les témoins. Gentil, attentif, poli et pas folichon. Star internationale, Mami n'a pas d'amis à Paris. Sa vie, c'est la musique. Mais surtout sa famille. Pour chasser le démon de cette sordide affaire, il s'est débarrassé de sa somptueuse villa d'El-Biar dont l'achat avait nourri tant de rumeurs.