Bien que l'ambition de réunir des écrivains dans une résidence ait toujours été présente, elle n'a jamais pu se concrétiser. Grâce à ce 2e Panaf, ce rêve est devenu réalité ; et actuellement, une dizaine d'écrivains africains sont en résidence d'écriture. Celle-ci verra à son issue la publication d'un recueil de nouvelles. Les auteurs Gabriel Okoundji, Anouar Benmalek, Hamid Skif, Tanella Boni, Eugène Ebodé, Alain Mabanckou, Sami Tchak, l'essayiste algérien Yahia Belaskri et Ibrahima Aya sont depuis quelques jours déjà, dans un hôtel à l'ouest d'Alger, pour une résidence d'écriture qui verra à son issue la publication d'un recueil de nouvelles. Dès demain, les auteurs algériens Kébir Ammi et Rachid Boudjedra, ainsi que l'écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert les rejoindront et prendront part à cette résidence qui représente une grande première en Algérie. En effet, l'idée de rassembler des écrivains africains dans un même endroit pour une résidence d'écriture, et qui donnerait naissance à un certain nombre de nouvelles, qui seront toutes publiées dans un seul recueil, est une grande première en Algérie. Au cours d'une conférence de presse organisée hier matin à l'hôtel Le Mas des Planteurs, l'un des responsables de cette résidence (également codirecteur des éditions Apic), Karim Cheikh, a déclaré : “C'est une première en Algérie que celle de rassembler des écrivains africains, dont la plupart évolue et travaille en dehors de l'Afrique. L'intérêt est de mettre en connexion ces écrivains qui souvent ne se voient pas. En fait, c'est comme un jeu de cartes, et cette résidence constitue une nouvelle donne, une renaissance de l'Afrique.” D'autre part, il n'y a pas de thèmes particuliers pour cette résidence, et les auteurs sont donc libres d'aller dans le sens qu'ils veulent, explorant ainsi les chemins sinueux de la littérature. Karim Cheikh a également révélé que “l'objectif de cette résidence est d'aller au-delà de l'évènement (Panaf, ndlr), et de faire de cette résidence d'écriture un évènement annuel par exemple”. Les huit écrivains africains se sont ensuite présentés. Se prêtant au jeu des portraits, chacun a tenté d'expliquer les raisons qui l'ont emmené à l'écriture. Et c'est un patchwork extraordinaire. Alors que le poète congolais, Gabriel Okoundji, considère sa présence à cette résidence comme un accident puisque c'est grâce à Sami Tchak qu'il a pu se joindre au reste du groupe ; l'écrivain togolais Sami Tchak considère qu'il est déjà familier des lieux et de l'Algérie. En effet, depuis quelque temps, il est édité aux éditions Apic, qui avec leur collection “Résonances” s'intéresse à la littérature africaine. Pour le Renaudot 2006, le Congolais Alain Mabanckou a révélé qu'il est entré en littérature par effraction, puisqu'il est juriste de formation. Il a également dévoilé : “J'ai publié 5 recueils de poésie, mais je privilégie actuellement le roman. Mes trois derniers romans expriment mes obsessions. Je veux faire de la littérature un enjeu du récit, c'est-à-dire qu'il faut faire une littérature adulte et tracer son propre parcours.” Yahia Belaskri considère qu'il est également entré en littérature par effraction, puisqu'il est journaliste de profession. Toutefois, après plusieurs essais, son premier roman qui se décline au fil des pages dans la ville d'Oran sortira prochainement chez Apic. L'écrivaine ivoirienne Tanella Boni, qui était d'ailleurs présente pour le Festival international de la littérature et du livre de jeunesse, a déclaré que la littérature représente pour elle la sortie du silence. De son côté, l'écrivain algérien Anouar Benmalek a évoqué la difficulté d'être algérien et d'être africain. “Après l'accueil blessant de mon livre Ô Maria, j'ai juré de ne plus écrire sur l'Algérie, mais j'ai réalisé que je ne pouvais pas écrire sur ce que je connaissais le mieux. Dans mon prochain livre (Rapt, qui sort en septembre chez Fayard, ndlr), j'ai bâti une histoire qui se déroule au présent, mais qui fait appel au passé pour expliquer certaines violences. D'ailleurs, une bonne partie de l'explication est dans la guerre de libération”, appuie-t-il. Pour l'écrivain camerounais Eugène Ebodé, la littérature rime avec le bruit. À ce propos, il a déclaré : “Je suis issu du bruit, et je ne peux pas écrire sans avoir conscience des tragédies de mon pays. d'ailleurs, la seule identité que je revendique le plus est celle d'Africain.” Pour sa part, Hamid Skif a déclaré : “Je suis très content de participer à cette résidence qui représente l'antithèse de la thèse qui réduit l'Afrique à la somme de tous ses échecs.” En revanche, que ce soit par effraction ou de manière tout à fait naturelle, la littérature a réuni sous le même toit des écrivains de différents horizons, de différentes tendances et avec des questionnements qui divergent, et c'est en là que réside la richesse de cette résidence. Sara Kharfi