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Julien Kilanga Musindé. Romancier universitaire : « L'écrivain africain est le produit de son environnement »
Publié dans El Watan le 31 - 05 - 2010

Linguiste et littéraire de formation, Julien Kilanga Musindé a exercé de très nombreuses fonctions culturelles et universitaires au Congo (RDC). Professeur, ancien recteur de l'université de Lubumbashi, il a été membre de l'Association internationale des présidents des universités d'Afrique et du Moyen-Orient. Invité dans le cadre de la 3e édition du Filev d'Alger, l'universitaire revient dans cet entretien sur le rapport de l'écrivain africain avec la littérature.
Quelle est votre appréciation sur la situation des écrivains africains dans leur rapport avec l'Afrique ?
Je n'ai nullement l'intention de ressusciter un vieux débat autour des concepts du genre « écrivain africain », « littérature africaine ». Mais je voudrais simplement faire le point de la situation des écrivains africains dans leur rapport avec l'Afrique qui, après avoir été victime d'une géohistoire portée par le paradigme de l'Occident, paradigme de disjonction et de réduction, refait son entrée dans la géopolitique de la pensée et dans la culture universelles. Après avoir fécondé des mouvements d'émancipation des pays colonisés et accompagné l'organisation politique continentale, les écrivains africains, nés dans le moule de l'Occident, se retrouvent aujourd'hui face à l'image controversée de l'Afrique. C'est sous le prisme de cette littérature africaine qu'il y a lieu de percevoir l'Afrique subsaharienne.
Aujourd'hui, certains dirigeants africains en font un Etat patrimonial ou un Etat ethnique qui n'est pas un Etat véritable, transcendant les particularismes pour le bien commun. La question de l'unité et de l'émiettement de l'Afrique. Et pourtant, l'Afrique devait se constituer à travers l'intégration. C'est par son rôle que l'Afrique pourra accéder à l'avoir, à un avoir authentique. Il s'agit plutôt du rôle à jouer dans le monde. Sans identité, nous sommes un objet de l'histoire. Et l'identité, c'est le rôle assumé. L'image contradictoire d'une Afrique potentiellement riche face à la misère qui mine la population est aussi un autre problème qui mérite une attention particulière, une Afrique confrontée à la lutte pour l'échange culturel équitable. Ce dont le monde africain a besoin n'est-ce pas d'une éthique fondée sur l'équité le protégeant contre les dérives de l'économie de marché face à la mondialisation qui, si elle était fondée sur les valeurs de l'humanisme, pouvait bien être un instrument de rééquilibrage des rapports entre les Etats par le fait de construire un nouvel ordre mondial.
Pensez-vous que la littérature actuelle soit plus florissante que celle d'antan ?
Les choses ont évolué. Les premières années avant l'indépendance, c'était une période de lutte, mais une fois l'indépendance conquise, il y a eu d'autres réalités qui sont arrivées. Toutes les œuvres littéraires avaient pour objectif un certain regard sur la société. Il y a des écrivains qui vivent en dehors de l'Afrique et ceux qui vivent toujours dans leur pays d'origine. Tous produisent des œuvres littéraires, mais avec des regards différents. Il faut qu'il y ait autant de regards différents pour arriver à une meilleure perception de l'Afrique. En créant une certaine confrontation et une contradiction, on peut faire éclater une réalité autre. C'est un combat qu'il faut mener.
L'écrivain africain est-il le produit de son environnement ?
La vision de l'Afrique s'est manifestée déjà avec Batouala de René Maran, tout le mouvement de la négritude avec des romans de contestation, Le Soleil des indépendances d'Ahmadou Kourouma et toute la production de la jeune génération pour qui l'écrivain n'est plus uniquement le porte-parole de la société africaine, refusant même l'épithète « africain ». Mais un certain nombre de mythes sont toujours utilisés par les écrivains mêlés à ceux tirés du vieux fonds occidental face au thème de l'exil et celui de l'interaction entre l'Afrique, l'Europe et l'Amérique qui sont omniprésents dans cette littérature africaine.
Aujourd'hui, ce n'est plus la négritude, mais le mouvement de la « migritude », un néologisme qui combine négritude et émigration qui caractérise cette littérature. En effet, les nouvelles générations d'écrivains ont en commun l'expérience de l'immigration : Alain Mabanckou, Sami Tchak, Emmanuel Dongola, Fatou Diome. Mais ils sont aussi comme Thierno Monenembo, Boubacar Boris Diop, Abderrahmane A. Waberi, préoccupés par leur pays. Les écrivains de la négritude se voulaient témoins de leurs peuples, témoins de leur temps. Pendant trois générations, ils ont exprimé un passé tragique, un présent douloureux, mais un espoir infini dans un avenir qu'ils voulaient radieux. Léopold Sédar Senghor, Bernard Dadié, Mongo Béti, Cheikh Hamidou Kane, mais aussi Seydou Badian Kouyaté et Sembene Ousmane des bouts de bois de dieu y ont laissé leurs empreintes.
En réaction contre la politique d'assimilation culturelle pratiquée par l'Occident, les écrivains ont adopté une attitude anticoloniale, associée à une exaltation du passé et du retour aux sources. Mais ceux-ci constituaient, par ce fait, un revers de cette littérature qui risquait à la longue de fausser l'image de l'Afrique. Fort heureusement, certains intellectuels ont réagi contre cette vision unanimiste d'une Afrique uniforme et identique.
Et l'histoire a largement confirmé leurs analyses. En effet, à peine les anciennes colonies avaient-elles obtenu leur indépendance que le mythe de l'unité a volé en éclats et l'on a assisté à une véritable balkanisation du continent africain. Après avoir dénoncé les servitudes de la société coloniale, les écrivains africains se sont attachés à l'analyse des conflits de la culture et du malaise engendré par la quête d'une identité problématique qu'illustre Cheikh Hamidou Kane dans l'Aventure ambiguë. Les écrivains africains se sont focalisés sur l'évocation d'une société en pleine mutation. Et comme les indépendances ont déçu, les écrivains, en l'occurrence les romanciers, dressent le tableau de faillite à travers la thématique des indépendances. La joie nourrie lors des indépendances fut de courte durée et a conduit à penser que le régime colonial valait mieux et que l'espoir et le bonheur escomptés n'étaient qu'illusion. Les romans foisonnent de plusieurs thèmes : le tribalisme, la violence et l'oppression, la répression, la corruption...
Les écrivains africains d'aujourd'hui ne peuvent-ils plus rêver de lendemains heureux ?
Les écrivains africains d'aujourd'hui sont les témoins de l'Afrique d'aujourd'hui. Ils ne peuvent plus rêver de lendemains qui chantent. Les aînés d'abord : Kourouma, Sassine, Sony Labou Tansi, Mudimbe, Bernard Nanga, Paul Dakeyo, Claver Ilboudo, Tchikaya, puis les suivants : Dongala, Laurent Owondo, Tanella Boni, Véronique Tadjo et B. Bolya, qui, en plus de son roman Cannibales, écrit Afrique, le maillon faible, procès-verbal de constat absolument impitoyable. Et les cadets : Kossi Efoui (Prix des cinq continents de la francophonie 2009), Mabanckou, Waberi, Sami Tchak, Caya Makhele, Calixte Beyala, provocateurs pour la plupart, maniant la dérision jusqu'au délire, avec une volonté affirmée de rupture. Et d'abord d'avec leurs prédécesseurs, voire d'avec leur continent.
L'Afrique est devenue ce continent apparemment voué à toutes les calamités. Donc, ne plus être catalogué d'« écrivain noir ou africain », mais d'« écrivain » tout court. Face à tous ces problèmes, l'Afrique, grâce à ses écrivains, doit choisir de se réformer positivement et de mettre en œuvre les conditions de sa revitalisation. Elle doit être un espace capable de maîtriser sa diversité et d'intégrer les traits de l'universalité en redéfinissant une nouvelle politique prospective, des relations étatiques perçues comme une amélioration constante de la qualité de vie des hommes dans un environnement physique, culturel et scientifique totalement épanouissant. Ce qui pose dès lors des problèmes de niveau d'éducation et de culture liés à des espaces politiques de croissance.
Et pour cela, chacun doit avoir à l'esprit que « même l'époque accablée est digne de respect, car elle est l'œuvre non des humains mais de l'humanité, donc de la nature créatrice, qui peut être dure, mais jamais absurde. » C'est pourquoi, pour trouver les voies et moyens efficaces de résistance devant cette situation avilissante, il faut trouver un point de rééquilibrage entre les différents pôles de culture et de civilisation pour construire un nouvel ordre mondial favorable à l'Afrique. Alors, cette dernière deviendrait un lieu de rencontres où peuvent dialoguer, se confronter, se compléter des cultures et des civilisations variées. Sinon, nous risquerions de voir se réaliser un cauchemar où l'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour et dans l'interrègne surgissent les monstres.
Après la publication de votre dernier roman Jardin secret, avez-vous d'autres projets d'écriture ?
Il y a trois ouvrages en préparation, un ouvrage théorique de 600 pages qui fait la synthèse sur les langues françaises dans mon pays, le Congo. Il sortira d'ici la fin de l'année en cours. J'ai l'intention de publier un deuxième recueil de poésie en langue française ainsi qu'un roman.


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