L'aventure Khalifa, et c'en est une, relève d'une immense supercherie économique, doublée d'une gigantesque crapulerie politique. Il est toujours pénible de rédiger un triste faire-part. Il devient plus pénible lorsqu'on rédige un avis de décès d'un empire économique. Et lorsque le patron de cet empire s'appelle Abdelmoumène Khalifa, il faut convenir que l'exercice est encore plus que périlleux. Périlleux parce qu'on pourrait vous soupçonner non seulement de vouloir achever une bête terrassée, mais de vous réjouir du spectacle d'un homme déchu. Il ne s'agit pas d'applaudir la mort du groupe Khalifa et nous ne sommes pas de ces charognards qui se délectent de la vue d'une carcasse après l'avoir sucée de son vivant. Ni de ceux qui jubilent, aujourd'hui, parce qu'ils n'ont pas eu leur part du gâteau. On ne se réjouira pas du sort de ces milliers de travailleurs qui, un jour, ayant cru au mirage, se retrouvent aujourd'hui sur le carreau. On ne se réjouira pas du sort de ces milliers d'épargnants qui, attirés par les avantages miroités par les responsables du groupe, se retrouvent aujourd'hui obligés d'implorer le gouvernement à travers les sit-in et dans des requêtes publiées dans la presse, pour que l'on daigne leur restituer leurs milliards ou leurs petites économies. Mais ce qui doit être dit, doit l'être. L'aventure Khalifa, et c'en est une, relève d'une immense supercherie économique, doublée d'une gigantesque crapulerie politique. Une supercherie parce que cet homme a bâti son empire sur du vent. Aujourd'hui, on constate que son fonctionnement ne repose sur aucune norme de gestion acceptable par le gérant le plus profane. Une crapulerie parce que Khalifa a reproduit à une grande échelle, au vu et au su de tout le monde, les pratiques maffieuses qui régissent le monde des affaires en Algérie et ailleurs. En cela, Abdelmoumène Khalifa n'a absolument rien inventé. Il a tout juste poussé à la caricature cette culture qui consiste à se servir des deniers de l'Etat pour bâtir une fortune personnelle. Il est impératif que Khalifa ne soit pas, aujourd'hui, la victime expiatoire d'un système politico-économique dont les carburants sont la corruption, le clientélisme, l'esbroufe et l'arnaque. La chute de l'empire Khalifa doit servir d'exemple. Il est impératif que l'on retienne les leçons de cet effondrement. Si Khalifa doit payer, il ne doit pas payer tout seul. Ceux qui l'ont aidé, ceux qui l'ont encouragé, ceux qui ont fermé les yeux sur ses pratiques, ceux qui ont bouffé dans sa main doivent aussi répondre de cette immense truanderie. Il y va de la crédibilité du pays. F. A.