Le général Mohamed Ould Abdel Aziz remporte, à la surprise générale, au premier tour, le scrutin présidentiel, avec 52,58% des suffrages. Le résultat doit encore être validé par le Conseil constitutionnel, mais d'ores et déjà, on peut le considérer comme définitif. Le chef de la junte, qui avait déposé le 6 août 2008 Sidi Ould Cheikh Abdallahi, a été élu président dès le premier tour du scrutin. Ce qui n'a pas empêché l'opposition de dénoncer un “coup d'Etat électoral”. Pourtant, c'est le ministre de l'Intérieur, lui-même issu des rangs de l'opposition, qui a proclamé les résultats à l'issue de ce scrutin qui a vu la participation de 64,58% du corps électoral. Il faut souligner que ce scrutin survient comme couronnement des accords de Dakar censés mettre un terme à la grave crise née du coup d'Etat militaire. Au lendemain du vote, Messaoud Ould Boulkheir, qui s'exprimait au nom de trois autres candidats Ahmed Ould Daddah, Ely Ould Mohamed Vall et Hamadi Ould Meimou, a demandé aux “entités compétentes”, comme le Conseil constitutionnel, la CENI et le ministère de l'Intérieur, de ne pas “accepter la validation” des résultats et au peuple mauritanien de “se mobiliser pour mettre en échec ce coup d'Etat électoral”. Ces candidats accusent le général Ould Abdel Aziz de fraude massive comprenant la “manipulation du fichier électoral”, la “corruption généralisée” et l'utilisation de faux documents électoraux. Pourtant, trois jours après, aucune preuve étayant ces allégations n'a encore été apportée par le camp des contestataires. Mieux, l'un des membres les plus en vue de la coalition opposée à Ould Abdel Aziz, en l'occurrence Jemil Ould Mansour, le candidat du parti islamiste, a reconnu les résultats et félicité le président élu. Selon les résultats provisoires, le président de l'Assemblée nationale et candidat du front anti-putsch, Ould Boulkheir, arrive loin derrière avec 16,29% des voix. Il est suivi par le chef du principal parti de l'opposition, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), Ould Daddah, avec 13,66%. Le candidat islamiste modéré Jemil Ould Mansour, qui se présentait pour la première fois, décroche la quatrième place avec 4,76% des voix, juste devant Ibrahima Sarr, le candidat nationaliste négro-africain (4,59%). Le colonel Ould Mohamed Vall, l'ex-chef de la junte (2005-2007) qui avait rendu le pouvoir aux civils au terme d'une transition souvent saluée comme exemplaire et qui fut un temps présenté comme un challenger sérieux du général Aziz, son cousin, ne recueille que 3,81% des suffrages. Lors d'une conférence de presse organisée juste après la proclamation des résultats, le président élu a rejeté toute accusation de fraude. Il a commencé par remercier les Mauritaniens en déclarant d'emblée que sa victoire est celle de l'ensemble des Mauritaniens. “Ma victoire est une victoire contre la pauvreté, la misère, la maladie, l'ignorance”, a encore ajouté celui qu'on surnomme ici “le président des pauvres”. Ensuite, Ould Abdel Aziz a tenu à rassurer ses adversaires en leur affirmant qu'il sera le président de tous les Mauritaniens, ce que d'aucuns ont interprété comme un signe d'ouverture en direction de l'opposition. Notons que ce scrutin s'est déroulé en présence de plus de 400 observateurs internationaux, qui représentent un large éventail d'organisations internationales, de pays et d'organisations non gouvernementales (dont une mission algérienne) et qui se sont déployés en Mauritanie (et dans plusieurs ambassades mauritaniennes a l'étranger) pour l'observation de l'élection présidentielle du 18 juillet. À l'issue de leur mission ils ont publié une déclaration commune dite “déclaration commune de l'Union africaine, de l'organisation de la francophonie, de l'Organisation de la conférence islamique, de la Ligue des Etats arabes, de l'Union du Maghreb arabe, de la Communauté des Etats sahélo-sahariens”. Ils s'y sont notamment félicités du “climat de sérénité et de responsabilité dans lequel s'est tenu le scrutin ainsi que le bon déroulement des opérations de vote”, ainsi que “la transparence et la rigueur des opérations de dépouillement… et le déroulement satisfaisant des opérations du vote”. Pour l'instant, le général Aziz a déjà reçu les félicitations de ses voisins du Nord, Bouteflika et Mohammed VI, alors que les candidats malheureux ont choisi la voie du recours officiel devant le Conseil constitutionnel. Mais leurs réclamations seront-elles recevables ? Le général Ould Abdel Aziz laissera-t-il monter et s'installer la contestation ? Ou s'attellera-t-il tout de suite à consolider son pouvoir ? Les militants anti-putschs du FNDD qui ont lutté depuis dix mois pour faire échec au coup d'Etat assurent que leur front va continuer la bataille, mais là aussi, la lassitude pourrait très vite l'emporter. M. O. S. S. (*) directeur de publication du Quotidien de Nouakchott