“Le trafic de bétail en provenance d'Algérie est généralement facilité par la présence de réseaux de passeurs et de complicité marocaine. Les troupeaux volés aux éleveurs algériens implantés le long du tracé frontalier sont impunément revendus dans les marchés aux bestiaux du Sud marocain.” La recrudescence des incursions nocturnes marocaines en territoire algérien et des vols de cheptel commis au détriment des éleveurs de la bande frontalière implantés dans la zone Atamna-Ouled-Mellouk-Zerriga a provoqué un véritable branle-bas de combat parmi les populations frontalières qui se sont mobilisées afin de constituer des milices citoyennes de vigilance chargées de la surveillance nocturne des bergeries situées dans la zone ciblée par les contrebandiers marocains. “Nous sommes livrés à la vindicte des trafiquants marocains qui n'hésitent pas à franchir la frontière à l'aide de complicités marocaines pour venir nous dépouiller de notre bétail.” Durant la semaine écoulée, révèle encore M. Brazi, un éleveur d'Ouled Seddoug, “nous avons reçu la visite nocturne d'une bande de voleurs de bétail encagoulés qui s'en sont pris à notre troupeau constitué de plus d'une centaine de têtes. Mon fils qui était seul à la ferme avait pris la sage décision de ne pas intervenir en nous appelant à son secours à l'aide de son portable. Une fois sur place, nous nous sommes lancés sur les traces des voleurs qui nous conduisirent jusqu'à proximité du poste frontalier algérien de Sidi-Ayed, situé en face de la petite localité marocaine d'Aali. Nos investigations pour rattraper le troupeau volé durent s'arrêter au niveau du tracé. Mon fils a alors pris les devants en s'introduisant au Maroc afin de prévenir les autorités d'Oujda, mais, hélas, ces dernières l'ont arrêté et jeté en prison pour s'être introduit illégalement au Maroc”. Dans le même temps, un autre éleveur, M. Sebbahi Aziz, du douar des Ouled Melouk, a été lui aussi ciblé par des voleurs de bétail qui se sont emparés d'un troupeau d'une cinquantaine de têtes. Se mettant aussitôt à la poursuite des bêtes volées, notre éleveur et ses enfants ont réussi à rattraper les voleurs qui durent abandonner le bétail volé pour aller se réfugier en territoire marocain. M. Brahmi, du douar Atamna, a lui aussi reçu la visite d'une bande de voleurs encagoulés qui ont tenté de lui prendre un troupeau de 62 têtes de moutons. Surpris à l'intérieur de la bergerie, les voleurs ont abandonné leur dessein pour prendre la fuite en direction du Maroc. MM. Rami et Guitoumi, deux autres éleveurs demeurant respectivement au douar des Ouled Mellouk et de Sidi M'hamed El Ouassini, ont eux aussi, durant le mois en cours, été victimes du vol de leur troupeau constitué de plus d'une centaine de têtes qui ont pris la direction du Maroc et n'ont pas été retrouvés à ce jour. M. Bouhassoune Rachid, un éleveur du douar des Ouled Mellouk, qui connaît le Rif oriental et le Sud marocain comme sa poche, est catégorique : “Devant la recrudescence des vols, je me suis lancé récemment sur les traces des troupeaux volés qui m'ont conduit dans la localité marocaine de Doubba où réside la tête pensante de ce vaste réseau de trafic de cheptel. Les troupeaux volés en territoire algérien passent à proximité du poste de Sidi Ayed et, de là, ils prennent la direction de la localité de Doubba, où réside la tête pensante de ce vaste trafic. Ce dernier est le fils du caïd de cette localité et répond au nom de Noredine Ould Hocine Ould Boujemaâ. De là, les bêtes volées sont embarquées dans des camions pour être acheminées en direction de Touisset, dans le Sud marocain.” Nous devons signaler que la prolifération de ce trafic est sans conteste liée à la présence de réseaux de passeurs qui, regroupés en bandes organisées, utilisent des moyens de transport lourds. Grâce à des complicités des deux côtés de la frontière, les trafiquants et les voleurs utilisent les même circuits que ceux utilisés par les narcotrafiquants. Des camions attendent de l'autre côté de la frontière pour acheminer le bétail volé vers des souks de plus en plus éloignés quand ce n'est pas vers une destination précise en fonction d'une commande préalable. Toujours selon nos interlocuteurs, les chèvres algériennes, qui produisent un lait de qualité, sont aussi très prisées par les contrebandiers marocains, même les dromadaires n'échappent pas à ce trafic. Côté marocain, ce trafic ne semble pas trop déranger, en tout cas, la répression est rare. ALI MOUSSA JAMAL