Une réalité amère que d'aucuns ne peuvent ignorer, encore moins le commandant du 7e Groupement des gardes-frontières (GGF) de Naâma qui veille à ce que ce trafic soit éradiqué. « Il n'est pas effectivement exclu que quand le marché interne du bétail est moins valorisant, notre cheptel soit introduit du côté marocain », reconnaît-il. Peut-on évaluer l'ampleur de ce trafic ? Difficile. « Il n'est pas aisé de maîtriser près de 250 km de bande frontalière avec le Maroc », avoue-t-on. La mobilité des éleveurs nomades explique la difficulté du contrôle du cheptel détourné par la contrebande. Si notre interlocuteur tient à rassurer que pour l'espace qu'il supervise avec ses troupes - près de 145 km de frontières avec le Maroc - « aucun ovin n'a été saisi depuis le Ramadhan dernier », il n'en demeure pas moins que le bétail continue de filer vers le Maroc. Des maquignons soutiennent que certains marchés marocains sont desservis par une race ovine de provenance algérienne. Le bilan du Commandement de la Gendarmerie nationale fait état d'un millier d'ovins saisis aux frontières depuis le début de l'année. Le groupement territorial de Naâma avance le chiffre de 621 têtes saisies dans la région de Kesdir et Gaâloul durant cette année. Mais cela renseigne-t-il sur la réalité du trafic ? Pas si sûr. « Notre cheptel sort et nous recevons en retour soit de la drogue soit du cheptel marocain », insiste-t-on. Pourquoi ce trafic persiste-t-il ? Ce phénomène, qui remonte à plusieurs années, se pratique, explique une source, au niveau de certaines tribus bédouines frontalières de l'ouest du pays, notamment dans la zone de Laricha, localité située à 150 km au nord-ouest de Naâma. « Le plus gros lot du trafic transite par les villages de Tandrara et Berguet », soutient-on. Les contrebandiers exploitent toutes les occasions. L'Aïd en est une. La prolifération de ce trafic est surtout liée à la présence de réseaux de « passeurs » souvent formés en bandes organisées. Des passeurs avec lesquels seraient impliqués de « gros éleveurs » natifs surtout des localités de Kesdir, Sfissifa ou Aïn Benkhellil. Pour acheminer leur marchandise vers les frontières, les contrebandiers se servent de moyens de transport lourds. Grâce à des complicités, des deux côtés de la frontière, entre des personnes connaissant parfaitement les lieux pour les avoir sillonnés pendant de longues durées, les trafiquants arpentent les mêmes circuits que ceux utilisés pour acheminer les autres produits de contrebande, le kif notamment. Des camions - des Berliet GAK surtout - traversent ainsi la frontière, à la faveur de la nuit, chargés de bétail à destination des souks marocains ou déchargés auprès des « exécutants » de la commande (ayant le statut d'éleveurs aussi) de l'autre côté de la frontière. Des familles sont montrées du doigt comme faisant partie du réseau. « De gros éleveurs s'adonnaient à cette activité depuis près d'une vingtaine d'années », nous révèle-t-on. D'autres éleveurs, qui n'ont que l'activité pastorale comme ressource, ne s'empêchent pas de verser dans ce commerce informel. Des éleveurs qui se comptent parmi les 7000 officiellement répertoriés, pour la plupart concentrés dans les régions de Mécheria, Aïn Benkhellil, Mekmen Ben Amar et Kesdir. A cause de leur perpétuel mouvement, nomadisme oblige, il est souvent difficile de faire le décompte du cheptel de ces éleveurs. Selon la direction les services agricoles de la wilaya (DSA), l'effectif ovin de la wilaya est estimé à près de 800 000 têtes. Cela représente près de 5% de la production nationale qui est de 18 millions de têtes ovines, selon le ministère de l'Agriculture. A Naâma, surtout dans le nord, les hautes plaines steppiques de la wilaya, prédomine l'activité pastorale. Dans ce parcours, touché par les effets dévastateurs de la désertification, le couvert végétal a presque disparu. S'il est vrai que le phénomène de la sécheresse en est dans une certaine façon la cause, il n'en demeure pas moins que l'élevage anarchique pratiqué dans cette zone steppique a aggravé la situation. Les populations nomades des communes de Aïn Benkhellil et de Kesdir, engouffrées dans les kheïmate, et qui continuent de faire paître leur cheptel dans ces contrées, ignorent-elles le préjudice causé à l'environnement ? Il est vrai que mis à part le pastoralisme, il n'existe pas d'autre activité dans ces régions. « Le chômage frappe de plein fouet plus de la moitié de la population de Kesdir », nous dit un citoyen originaire de ce bourg. A vrai dire, Kesdir porte bien son nom : un immense bidonville, bordé de pseudo-habitations dont certaines dans en ruine, qui exprime bien la pauvreté de la population y résidant. Une population souvent exploitée par les contrebandiers qui écument les lieux non loin de la bande frontalière.