L'été a ses refrains. Les vacances, les feux de forêt, les canicules épisodiques, les pannes de courant, les maladies de saison… Parmi ces thèmes, la pieuse pensée locale préfère approfondir la question des vacances, plus spécialement celles des baigneuses. Dans ce journal, on rapportait hier que certains imams du côté de Boumerdès avaient proposé d'interdire les plages aux Algériens “parce qu'il y a des choses à ne pas voir”. En cela, ils ne faisaient peut-être que suivre l'orientation de leur wali qui s'était engagé à “ne rater aucune occasion de fermer un débit de boissons”. L'action publique et la prédication intégriste se rejoignent dans leur œuvre d'assainissement rigoriste de la société. L'hiver, sus aux buveurs ! L'été, sus aux baigneuses ! Il n'était donc pas nécessaire de se mettre à l'écoute d'imams de faubourg pour entendre ce genre de propos inquisitoire. Il suffit de rester chez soi, le vendredi, et d'écouter l'émission “Fatawa âala al-hawa” pour recueillir les angoisses mystiques islamo-républicaines du moment. Dans la dernière édition de cette émission de la très officielle ENTV, des “docteurs” de la foi y ont décrété qu'il était “haram” qu'une femme aille à la plage et de s'y baigner… nue ; ils ont tout de même admis qu'elle pouvait se tremper en hidjab dans une piscine “pour femmes seulement”, comme aurait dit Amazigh Kateb. Le propos sur les règles de tenues et de comportements n'est pas le plus alarmant ; il est trop récurrent pour passer notre temps à nous en offusquer. Il y a pire en ce que la femme, quotidiennement agressée quand elle ose s'aventurer dans l'espace public, n'y est tolérée que si elle prend les attitudes attendues d'elle par le mâle, selon les lieux et les fonctions qu'il lui réserve à ce moment-là en cet endroit-là. Rien n'est fait ni par les autorités ni par la société pour la préserver des discours haineux des moralistes ou des quolibets des excités. Cela fait partie des concessions aux islamistes. La moralisation de la société aux normes intégristes leur est donnée en gage de bonne volonté ; le régime espère qu'en retour, l'islamisme, occupé à mater une société sans défense parce sans Etat, se détourne de ses visées sur le pouvoir. À force de concessions et de zèle de responsables institutionnels, la cascade de concessions tourne à la conversion. Aujourd'hui, c'est l'Etat qui, après avoir laissé le citoyen à la merci de la pression intégriste, fait campagne pour concrétiser le modèle de société “pure” sur le modèle fondamentaliste. Il prête volontiers la télévision de la “république” à ce genre de guerres aux libertés individuelles. Du moment que la gente féminine de la nomenklatura ne fréquente pas les sables de Boumerdès et que les vigiles ne peuvent sévir sur les côtes d'Andalousie, ni même accéder au Club-des-Pins, qu'importe que l'on terrorise ou qu'on maudisse les Algériennes moyennes qui prétendent à leur bout de plage ! Cette désinvolture d'Etat donne ceci : il est produit plus de fetwas pour prohiber la plage qu'il en est édicté pour interdire le maquis ! M. H. [email protected]