Dans cet incident, comme dans d'autres, la force devrait revenir à la loi qui devrait s'appliquer sur tous, sans exception. Mais force est de reconnaître que l'Etat a grandement failli dans sa mission pédagogique, laissant le terrain aux charlatans de dicter leur loi. Les incidents ayant opposé des ressortissants chinois à des Algériens dans un quartier de Bab Ezzouar doivent-ils être considérés comme un simple et malheureux fait divers ? Nous l'aurions bien souhaité. De toutes les façons, la réaction mesurée de l'ambassade de Chine à Alger le laissait penser. Mais voilà que le ministère des Affaires étrangères de Pékin sort de sa réserve pour exiger du gouvernement algérien des mesures de protection au profit de ses ressortissants. Cette sortie intervient quelques jours après des incidents ayant opposé la population d'El-Kala aux employés japonais chargés de la réalisation de l'autoroute Est-Ouest. L'Etat algérien, ainsi interpellé, se trouve désarmé, impuissant devant ce nouveau phénomène. En fait, l'Etat assure la protection des travailleurs étrangers à travers des escortes entre leur lieu de résidence et leur lieu de travail, lorsqu'il s'agit de chantiers de grande envergure. Mais l'Etat, comme c'est le cas pour l'incident de Bab Ezzouar, ne peut pas poster des agents de sécurité là où se trouvent des communautés étrangères. Ce qui s'est passé à Bab Ezzouar ne devait, en aucun cas, dépasser le stade d'une dispute entre voisins, comme il en existe partout chez nous, tous les jours. Or, des nervis se présentant comme les exécutants de la volonté divine sur terre en ont voulu autrement. Une dispute pour une place de parking a fait ressortir les démons racistes, xénophobes et intolérants chez bon nombre d'Algériens. Du coup, une simple dispute se transforme en une affaire nationaliste, religieuse. Et ce sont les Chinois qui sont pointés du doigt, accusés de tous les maux, de tous les torts. On leur reproche de ne pas respecter les us et coutumes de la société algérienne et on va jusqu'à exiger leur départ du quartier de Bab Ezzouar. Comment se fait-il que, dans un pays, dont la communauté établie à l'étranger souffre quotidiennement de la xénophobie et du racisme, puisse réserver le même sort à ses hôtes venus bâtir ce que, nous autres Algériens, sommes incapables de faire ? Faut-il rappeler que les Chinois, que certains voudraient accuser de tous les maux, étaient les premiers à se lancer dans les projets de construction en Algérie ? Qu'ils ont contribué grandement à résoudre la crise du logement en Algérie ? Qu'ils ont investi là où bon nombre de pays ont toujours hésité ? Faut-il rappeler aussi que les Chinois travaillent jour et nuit, qu'il pleuve ou qu'il fasse chaud, tandis que bon nombre de nos compatriotes sirotent leur café en narguant ces Chinois venus de si loin pour leur construire des logements ? On peut disserter sur la situation irrégulière de bon nombre de ressortissants chinois et des conditions dans lesquelles ils ont ouvert des commerces un peu partout ; on peut également insister sur le fait que, dans cet incident comme dans d'autres, la force devrait revenir à la loi qui devrait s'appliquer sur tous, sans exception. Mais force est de reconnaître que l'Etat a grandement failli à sa mission pédagogique, laissant le terrain aux charlatans et autres voyous qui dictent présentement leur loi dans les quartiers et villages d'Algérie. Le racisme et la xénophobie n'ont pas de nationalité. On n'a pas le droit de les combattre uniquement lorsqu'on en est victimes, alors qu'on ferme les yeux lorsqu'on en est les auteurs. Azzeddine Bensouiah