La trajectoire est toujours quasiment la même : le jeune commence par la colle, puis il touche au cannabis et finit par le mélange. Rencontres avec des spécialistes à Blida. Les observations faites à l'hôpital Frantz-Fanon de Blida sous la conduite du professeur Ridouh, au centre de désintoxication, à propos de quelques cas d'adolescents hospitalisés dans ce centre, partent du principe avéré qu'aujourd'hui la toxicomanie touche essentiellement les jeunes qui ne contrôlent pas l'évolution de leur pharmacodépendance. Dans ce sens, l'adolescent paraîtrait choisir la formule de la drogue pour résoudre les difficultés inhérentes à la crise d'adolescence ou aggravées par celle-ci, nous affirme-t-on de source médicale au contact direct avec les usagers de drogue, et en milieu hospitalier. Les données scientifiques ci-après illustrent on ne peut mieux cet état de fait : Adolescents hospitalisés Certains commencent aussi à consommer du tabac, d'après les mêmes sources, soit par imitation, soit par curiosité ou par le souci de paraître, avant de passer aux autres substances et la plupart directement à la polytoxicomanie c'est-à-dire la consommation concomitante de plusieurs drogues. Les associations de substances les plus fréquemment retrouvées sont : cannabis + psychotropes + boissons alcoolisées, ou bien cannabis + psychotropes. Par psychotropes, il faudrait entendre le plus souvent les benzodiazépines ou l'association de ces derniers avec des antiparkinsoniens de synthèse. Les solvants et les diluants sont également consommés par environ 1/3 des adolescents admis en consultation. Il existe aussi une consommation d‘opiacés et d'héroïne. Il est à signaler que l'injection d'héroïne (dérivé puissant de la morphine) chez le toxicomane est responsable d'une intoxication aiguë (overdose) qui peut entraîner des troubles de conscience et une atteinte ventilatoire par dépression des centres nerveux, d'après les médecins. L'insuffisance respiratoire aiguë est liée à une diminution d'amplitude et une fréquence insuffisante, cette dette en oxygène pouvant entraîner un arrêt cardio-respiratoire. Compte tenu du coût de la drogue, de sa mauvaise qualité, l'injection est donc souvent associée à la prise d'alcool ou de médicaments (somnifères, antalgiques). Ils arrivent tous dans un état alarmant Le centre de désintoxication de l'hôpital Frantz- Fanon de Blida ne désemplit pas ce matin. Les deux psychiatres de service quotidiennement, les docteurs Derguini et Habibèche, sont d'accord pour nous dire qu'ils reçoivent tous les jours chacun une moyenne de vingt patients environ qui viennent pour se débarrasser de leur mal, et dont 90% sont des jeunes. Les polytoxicomanes au mélange infernal Chira + el hamra + alcool sont les plus nombreux. Ils arrivent tous dans un état alarmant parce qu'ils développent un ou plusieurs symptômes de manque caractérisés soit par des troubles psychotiques, soit par des agitations, de l'anxiété, des troubles du sommeil et de l'appétit, des douleurs abdominales, des céphalées, des vomissements ou des nausées, ou fréquemment plusieurs maux à la fois et qui sont des symptômes généralement insupportables pour le drogué. Et ce sont les plus difficiles à prendre en charge, dans la mesure où les trois produits sont en action, et on ne sait lequel est le plus important, expliquent les médecins. Chaque jour, deux à trois cas sont dirigés directement vers les services de psychiatrie, c'est-à-dire dans un état grave qui dépasse le seuil de l‘intoxication aux drogues ; c'est là où le drogué a fini par entrer dans des complications psychiatriques, et il est d'ailleurs souvent accompagné par ses proches. En Algérie, la sonnette d'alarme a été tirée il y a belle lurette en fait, mais aujourd'hui le volet répressif seul ne suffit pas. Y a-t-il démission parentale pour les jeunes ? Celle-ci existe, affirment les spécialistes que nous avons interrogés, tout en nuançant cependant : le drogué est difficile à gérer, souligne-t-on de même source, il est instable et vit souvent en dehors de la maison, surtout dans le cas de quelqu'un en pleine dégradation. Mais ce qui inquiète le plus les milieux en charge de la toxicomanie, les milieux médicaux en particulier, c'est l'avènement et le développement de nouvelles drogues en Algérie telles que l'héroïne, la cocaïne, l'ecstasy, le crack etc., peut-être parce qu'elles sont encore plus lourdes à soigner. Rappelons que l'héroïne est un opiacé puissant, obtenu par synthèse à partir de la morphine, extraite du pavot. Elle peut entraîner la mort par dépression respiratoire en cas de surdose. La cocaïne est en général frelatée, coupée ou mélangée à d'autres substances par les trafiquants, ce qui peut accroître la dangerosité de sa consommation surtout dans le cas d'interaction avec d'autres produits dont on ne connaît pas toujours la composition. Des études scientifiques ont établi que des lésions de cellules nerveuses sont possibles à la suite de consommations de l'ecstasy, produit comprenant une molécule de la famille chimique des amphétamines. On ne sait pas à ce jour si elles sont réversibles. Elles peuvent entraîner des maladies dégénératives ou être responsables de dépressions. Le crack enfin est un dérivé de la cocaïne, dont la fine poudre blanche et cristalline est transformée sous forme de petits cailloux qui craquent au contact d'une flamme et sont des produits moins onéreux que la poudre elle-même. En outre, “la rechute du drogué est dans la cure”, nous signale le professeur Ridouh. En l'occurrence, s'il y a plus de rechutes que de guérisons, c'est parce que le toxicomane n'a pas pu se délester de toute la problématique de son environnement et à sa liaison directe. Le type de drogue et la quantité ont évolué, et si la situation est alarmante, elle est cependant très complexe et pas facile du tout à résoudre. Au cas par cas, parfois, probablement…