De nos jours encore, le pain est l'aliment de base de tous les Algériens. On ne saurait imaginer le moindre repas sans. C'est la nourriture par excellence. Il partage avec le couscous l'appellation de naâma qui, par extension, désigne également les grains qui servent à leur fabrication. Tout ce qui peut l'accompagner n'est qu'accessoire. Le pendant de l'expression du pain et des jeux est ici : pain et sérénité. Les céréales connues et consommées déjà à l'état sauvage. De crus, les grains passeront le baptême du feu au fil des siècles. On se contentait souvent de faire griller les grains : ils n'en font ni farine ni bouillie, mais ils mangent le grain… Il s'agit là très probablement du mode de consommation des peuplades nomades. Le même témoin historique décrira plus loin : une femme numide broyant le froment sous une pierre et faisant du pain en le mettant simplement à cuire sous la cendre. Cette façon de faire est toujours en exergue dans certaines régions où le nomadisme a cours. Toujours selon les auteurs antiques, le pain n'était qu'un complément de la ration alimentaire qui, chez les Berbères errant, était constituée essentiellement de laitage et de viande tirés de leurs troupeaux légendaires Les Carthaginois et les Romains ont-ils instauré la suprématie du pain dans les usages de table des habitants de l'Afrique du Nord ? La présence de nombreux vestiges de fours publics dans les ruines des cités antiques plaident éloquemment pour cette hypothèse. Le développement de la céréaliculture a pris un essor si extraordinaire que certains écrits parlent de deux récoltes annuelles. Le sol d'Afrique a été donné tout entier à Cérès, toute la gloire du pays est dans la moisson. Plus tard, à la conquête musulmane, nous verrons les troupes de Okba fabriquant et consommant le pain de la même manière que les autochtones. Mais ce n'est qu'à partir du XVIe siècle, que le pain prendra les formes que nous lui connaissons aujourd'hui sous le cachet traditionnel. Les musulmans d'Espagne étaient passés maîtres dans l'art de la panification. Certains mangent du pain non levé, les uns le préfèrent frit, d'autres le font cuire à la casserole, les uns dans le petit four romain, les autres au grand four oriental voûté qui donnera dans tout l'Occident le four banal fixe ou mobile. Dans une liste impressionnante, on distingue le pain d'Ispahan, le pain Tabuna, le pain cuit à l'étouffée, le pain mouillé, etc. Le luxe déjà au XIIIe siècle consistait à présenter sur un plateau diverses sortes de pains parmi lesquels on choisit ce que l'on préfère, lit-on dans un ouvrage anonyme de l'époque. Le pain restait exclusivement de fabrication domestique jusqu'à l'occupation française qui introduira la notion de boulangerie publique. En général, les boulangers qui y étaient employés venaient d'Espagne et plus particulièrement de la ville de Mahon. Ces derniers laisseront une trace indélébile dans la fabrication boulangère du pain : le maounis (mahonnais) qui se vend encore de nos jours comme pain de luxe, principalement durant le Ramadhan..