Tim Considine est professeur d'économie de l'énergie à l'Université du Wyoming (ouest des Etats-Unis). Comment est-ce que le puits foré par Edwin Drake a changé le monde ? Tim Considine : Cela a pris du temps. Il s'agit surtout de l'impact économique, celui de pouvoir extraire du pétrole de façon bon marché. Le pétrole, pendant les 50 premières années, c'était le marché de l'illumination : cela a permis à des millions de gens dans le monde d'éclairer leur maison la nuit, de lire, de s'éduquer. Ensuite vint la deuxième vague. Lors de la distillation pour produire du kérosène, un produit dérivé indésirable était l'essence, qui a été ignoré jusqu'à l'invention du moteur à combustion interne par les Européens dans les années 1880, et plus tard avec la production en masse d'automobiles aux Etats-Unis un peu avant la Première Guerre mondiale. C'est ce qui a vraiment inauguré l'âge moderne du pétrole, lorsque le pétrole a permis à l'humanité de devenir mobile. Quelles leçons peut-on tirer de l'histoire de l'industrie du pétrole ? L'une d'entre elles est de ne jamais sous-estimer l'ingéniosité de l'homme à trouver des ressources. La deuxième leçon est que les marchés peuvent être très volatils, quel que soit leur fonctionnement. La troisième est la patience. Par exemple, pour développer l'industrie pétrolière perse au début du XXe siècle il a fallu presque 10 ans entre la prospection et la livraison. Le délai de 7 à 10 ans est assez répandu. Par ailleurs, du côté de la demande, il faut du temps pour changer les habitudes de déplacements, ou pour que les consommateurs répondent aux prix. Les années 1980 et 1990 sont un bon exemple de la façon dont les consommateurs ont vraiment abaissé leur consommations de carburant. Qu'est-ce qui attend l'industrie pétrolière ? Un changement continu. Du côté de l'offre, une bonne partie de la production mondiale vient de géants vieillissants, des gisements gigantesques en Arabie Saoudite ou au Koweït. Ils ont plus de 50 ans, et certains d'entre eux montrent des signes de déclin. Mais dans le même temps, on ouvre de nouvelles frontières. Un nouvel emplacement très prisé est l'Afrique de l'Est, mais aussi l'Afrique de l'Ouest, le Brésil, le golfe du Mexique, qui offrent encore des surprises, ou la Russie qui a un fort potentiel. La question-clé est de savoir si la production d'un nombre important de champs plus petits peut atteindre, ou dépasser, celle des géants. C'est difficile à dire. D'autant qu'en cas de poussée des prix, comme l'an passé, cela secoue vraiment les consommateurs. On va voir les effets de ce choc pour les cinq à sept prochaines années, dans les décisions des consommateurs sur l'achat de leur voiture, la façon dont ils conduisent. C'est aussi valable pour l'offre, parce que les prix ont poussé les sociétés à rogner sur leurs forages. Cela se reflète dans la tendance récente des prix en 2009, qui se maintiennent autour des 70 dollars malgré une offre supérieure à la demande sur le marché.