L'ex-chef d'El-Islah semble tenir compte des dernières déclarations du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Yazid Zerhouni, réputé très proche du président de la République. Abdallah Djaballah ne croit pas trop à la volonté du pouvoir d'aller vers l'amnistie générale. S'ouvrant au quotidien londonien El-Quds El-Arabi, l'ex-président d'El-Islah et d'Ennahda, partis desquels il a été éjecté, assure qu'“il n'y aura pas une annonce de l'amnistie générale ni aujourd'hui ni dans les délais attendus”, avant de jeter la pierre au président Bouteflika à qui il reproche de ne pas faire trop cas de ses promesses électorales. “Ce qu'a dit Bouteflika au sujet de l'amnistie générale n'est que discours de campagne électorale sans plus”, assène-t-il non sans signifier qu'“un chef d'Etat doit tenir les promesses qu'il a faites à son peuple”. Pendant la campagne électorale pour l'élection présidentielle d'avril 2009, le candidat Abdelaziz Bouteflika avait en effet évoqué à plusieurs reprises la possibilité d'aller vers l'amnistie générale pour peu que les terroristes en activité se rendent aux autorités. “Il n'y aura pas d'amnistie générale sans référendum car c'est le peuple qui pardonne et nous ne ferons qu'appliquer, en toute souveraineté, sa décision”, a-t-il annoncé, le 6 avril 2009, lors de son dernier meeting électoral à la Coupole d'Alger avant de la conditionner par “la reddition définitive et complète des derniers groupes terroristes qui sévissent encore”. Et, dans son discours d'investiture, le 29 avril 2009, le chef de l'Etat a fait part de sa détermination “à poursuivre et à approfondir la démarche de réconciliation nationale” sans évoquer toutefois l'amnistie générale. Il faut bien reconnaître que, pendant la dernière campagne électorale, le candidat Bouteflika avait soufflé le chaud et le froid sur la question. Aussi M. Djaballah a réitéré sa conviction que le pouvoir a fait du concept de la réconciliation nationale un fonds de commerce. “Ceux qui détiennent les rênes du pouvoir ont su comment exploiter la réconciliation pour consolider leur trône”, explique-t-il. Et d'enfoncer le clou : “Ils ont toujours privilégié la logique du vainqueur et du vaincu, tout en prenant en charge certains dossiers des victimes de la crise vécue par le pays durant les années 90.”Mais d'où tire Abdallah Djaballah sa certitude qu'il n'y aura point d'amnistie au profit des islamistes ? Il semble que les dernières déclarations du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Yazid Zerhouni, réputé très proche du président de la République, sur le projet d'amnistie, sont pour beaucoup dans son scepticisme. En marge de l'ouverture de la session d'automne de l'Assemblée populaire nationale (APN), M. Zerhouni a été en effet catégorique : le projet d'amnistie générale n'est pas inscrit dans l'agenda du gouvernement. Ce qui a fait dire à M. Djaballah qu'au sein du pouvoir règne une véritable cacophonie sur cette question. Ce qui ne semble pas faux. Car la sortie du puissant ministre de l'Intérieur a tout d'une subtile mise au point adressée à Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH), qui a déclaré, début septembre sur les ondes de la Radio internationale, que l'amnistie générale interviendra en 2010 tout en se défendant de parler au nom de qui que ce soit. Ce n'est pas la première fois que des responsables se contredisent. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a exclu, le 5 juin dernier, l'éventualité d'une amnistie générale. “La Charte pour la réconciliation nationale ne comporte pas une amnistie générale et celui qui parle d'amnistie générale est responsable de ses propos”, a-t-il alors soutenu non sans rappeler que “la Rahma, la Concorde civile et la Réconciliation nationale comportent toutes des dispositions amnistiantes”. Le 7 juin, c'est au tour du ministre d'état sans portefeuille Abdelaziz Belkhadem de monter au créneau pour porter la contradiction à son Premier ministre en assurant qu'il n'est pas contre l'amnistie générale. “S'il y a des mesures qui ne sont pas dans la charte et peuvent contribuer à la paix et qui demandent une consultation populaire, on n'est pas contre des dispositions supplémentaires”, a-t-il affirmé. Conclusion : ce cafouillage serait-il le reflet des tiraillements au sommet de l'Etat sur cette question ?