Si les exégètes insistent beaucoup sur la compréhension et la méditation du texte coranique, il n'en demeure pas moins qu'il accorde également une grande place à la récitation par cœur et à l'embellissement de la voie. Pour cela, ils se réfèrent à de nombreux hadiths qui évoquent ce volet esthétique et artistique. Il va de soi que la beauté des versets qui sont articulés et rimés à la perfection, soit couplés avec la correction et l'embellissement de la voix. Ainsi, Abou Hourayra rapporte que le Prophète (P. et S soit sur lui) a dit : “La meilleure chose que Dieu aime entendre de son Prophète est une belle voix en psalmodiant le Coran à voix haute.” Lorsque le Prophète récita sourate Ettin, Il donna l'exemple en récitant le Coran. Al Baraa Ibn Azeb a rapporté : “J'ai écouté le Prophète (P. et S. sur lui) lire une fois sourate Et-Tin lors de la prière du soir. Mais je n'ai entendu personne réciter mieux que lui.” Il aimait aussi écouter les belles voix des autres récitants. Il a congratulé les compagnons Abou Moussa El Achaari en lui disant qu'il possédait un des sons de flûte de Sidna Daoud, ainsi que Ibn Messaoud, en les invitant à lui réciter le Coran pour l'admirer à travers leurs voix. De même, il a rendu obligatoire l'embellissement de la voix pour les récitants en disant que “celui qui ne chantonne pas en lisant le Coran n'est pas des nôtres”, comme le rapporte Abou Loubaba. Les premiers compagnons prenaient le Coran directement à la source. Ils apprenaient la phonétique et la prononciation des lettres et des mots, la ponctuation et la jonction des phrases. Il s'agit d'une véritable science qui se transmettait de maîtres à élèves et de générations en générations. Par la suite, aussi bien la psalmodie que la récitation ont été codifiées et enseignées dans les écoles. De même, des recherches ont été faites pour mettre en exergue les aspects mélodiques et “musicaux” du texte coranique. Attirés par la beauté de la langue employée, certains exégètes, notamment modernes, se sont distingués plus que d'autres. Il est conseillé de marquer un temps d'arrêt à la fin de chaque verset lorsqu'on récite les sourates courtes et moyennes en observant les terminaisons et de marquer le rythme et la cadence. De plus, il est demandé de marquer le ton en fonction du thème des passagers récités pour bien exprimer les sentiments ressentis. En somme, il faut être correct et présent pour pouvoir vivre pleinement sa récitation. Du reste, la récompense divine tient compte de l'intérêt, de l'attachement et de l'amour que vous accordez au Coran. Elle va d'une hassana à sept cent fois plus. Ceux qui récitent bien sont comptés parmi les anges nobles et intègres. Toutefois, le hadith recommande l'honnêteté, la piété et la préparation et met en garde contre les tentations de ceux qui sont attirés par la bonne renommée et le prestige en déviant de l'objectif de servir le Coran. L'influence de la récitation L'influence de la récitation et de la psalmodie sur les croyants est immense et fait partie de notre quotidien. Elle l'est davantage durant le mois de ramadan, où ils se bousculent en masse pour aller assister les prières des taraouih et écouter les meilleurs récitants qui vous permettent de vivre des moments intenses de piété et de douceur spirituelle inégalables. Le monde de la mélodie coranique unit les croyants et adoucit les mœurs. Les premiers à remarquer cette beauté musicale sont les mécréants koraïchites qui entendaient les premiers compagnons réciter le Coran autour de la Kaaba. Aujourd'hui, des gens en Occident qui ne connaissent rien à l'arabe se convertissent à l'islam en étant tout simplement charmés par les belles voies des récitants. Dans le domaine de la psalmodie, force est de reconnaître la suprématie des ténors que sont les cheikh Abdelbassat, El Manchaoui, Ettablaoi et El Houssari. En Algérie, l'influence orientale est considérable. Toutefois, nous avons une longue tradition avec également des cheikhs aux voies mielleuses et divines dont cheikh El Bouleidi qui fait école. Il est resté fidèle à lui-même en perpétuant la voix de ceux qui l'ont précédée, une voie authentiquement algérienne qui mérite d'être encouragée et sauvegardée. L'initiative d'organiser des concours dans ce sens comme “Foursène El Qoraâne” est louable en permettant à des jeunes de montrer leurs capacités et surtout de prendre la relève en perpétuant nos traditions. Tous les spécialistes admettent que la récitation et la psalmodie coraniques ont eu une influence de premier ordre sur le développement positif universel du chant et de la musique au même titre que la littérature et la poésie. Perpétuer une tradition Il faut souligner, par ailleurs, les efforts de recherche qui sont faits, notamment au Laboratoire de la phonétique, Dr Ammar Saci à l'université de Blida, le premier dans le monde arabe. Il attire l'attention sur la place du son et de la phonétique, non seulement pour le développement de l'art musical, mais aussi pour d'autres utilisations culturelles, scientifiques et industrielles. C'est grâce à la maîtrise du son et les rayons X que les Américains font de l'exploration par satellites et connaissent mieux que nous les richesses de nos sous-sols, alors que chez nous, nous travaillons encore avec le système des sondes. Alors, il faut savoir allier son et phonétique pour permettre de bien coupler le temporel au spirituel. Signes des temps, Sidna Daoud avait la meilleure voix, mais le Seigneur avait parlé avec le Prophète qui bégaie. Un soutien sans doute aux faibles et handicapés qui aspirent à mieux. Lokman enseignait à son fils d'embellir sa voix en le mettant en garde que l'animal qui écoute mal est celui-même qui a la voix la plus indésirable. Il faut savoir imiter le rossignol. Dieu aime la belle voix.