Paupérisation, mécontentements, tribalisme, corruption, exclusion et islamisme. Le voisin pauvre de l'Arabie Saoudite est à deux doigts de la catastrophe. Le pays risque à chaque instant de basculer dans la guerre civile, une situation qui pourrait avoir des répercussions importantes sur l'ensemble de la région. Le pays est une poudrière avec une population qui souffre d'une misère noire, avec 40 % des vingt-deux millions d'habitants disposant de moins de un dollar par jour. Le Yémen est dans une région charnière, stratégiquement importante et dotée de ressources pétrolières, gazières et hydrauliques, mais cela ne semble pas lui être d'un grand secours, pas plus que le mythe qui l'entoure. L'Arabie heureuse et la reine de Saba ne sont plus que légendes. Même le puissant voisin, l'Arabie Saoudite, semble ne rien pouvoir faire. Et pourtant, si le Yémen devait aller à vau-l'eau, se décomposer et plonger dans l'anarchie, cela risquerait de changer la physionomie de la région dans son ensemble, à commencer par son voisin immédiat. Un volcan en activité. D'abord, des Yéménites du Sud qui rêvent de rebâtir l'ex-Yémen du Sud, anciennement socialiste, des notables et potentats locaux mais surtout des groupuscules proches ou liés à Al-Qaïda. Ces islamistes radicaux sont par ailleurs les alliés de tous ceux qui aspirent à casser l'unité du Yémen. Nombreux sont les chefs de tribus à tomber dans l'escarcelle d'émirs islamistes. Et la population est d'autant plus consentante qu'elle est travaillée par le sentiment d'être la victime d'une injustice qui n'est plus supportable et d'avoir affaire à un pouvoir qui n'entend pas ses griefs et ne cesse de la réprimer. C'est le scénario qui se déroule dans la plupart, voire tous les pays musulmans. Les Yéménites du Sud disent ne pas avoir oublié 1994, quand l'Armée du Nord a occupé le Sud sous prétexte de préserver l'unité du pays, détruisant des biens et expropriant des terres pour les distribuer en cadeaux aux proches du régime du président Ali Saleh, issus du Nord. Des milliers de personnes ont été emprisonnées et plus de 60 000 officiers du Sud ont été congédiés sous prétexte de leur sudisme. En janvier 2008, une manifestation a été noyée dans le sang à Aden, capitale du Sud. Pour les gens du sud, l'unification des deux Yémen, depuis 1990, ne serait qu'une longue histoire de domination et d'exploitation au profit du Nord, alors que 80 % des richesses pétrolières et gazières se trouvent dans le Sud. Le Nord n'est pas en reste, une révolte y est en cours, baptisée l'Intifada de Saada, grande ville du Nord, dirigée par les Houthistes, en référence à Hussain al-Houthi, à l'origine du mouvement de rébellion et tué en 2004 par les forces gouvernementales, et animée par le particularisme zaïdite, une branche de l'islam chiite. Cette révolte a pris une dimension confessionnelle, un affrontement entre des populations chiites et un régime sunnite. Les Zaïdites forment l'immense majorité de la population dans la région de Saada et un peu moins de la moitié de l'ensemble de la population du Nord. L'an dernier, leurs combattants étaient arrivés à environ 30 kilomètres des portes de la capitale, Sanaa. Eux aussi sont réprimés sans pitié. Alors que le prix du pain a doublé, que celui de l'essence a quadruplé et que la famille du président Ali Saleh fait l'objet de graves accusations de corruption. Ali Saleh, qui a arraché l'élection présidentielle, prépare son fils à lui succéder ! Le Parti socialiste, ancien parti au pouvoir au Sud, Al-Islah, la Réforme, d'orientation Frères musulmans, et un certain nombre d'autres partis moins importants, tels que les baasistes, les nassériens et deux partis communistes, ont proposé un projet d'entente nationale fondé sur l'établissement d'un Etat de droit et sur des mesures économiques et sociales pour en finir avec la corruption, l'irresponsabilité, la gabegie administrative et l'aggravation des conditions de vie des citoyens. Le régime l'a accueillie avec dédain mais cette initiative aura ouvert la voie à l'explosion générale.