Imbriqué dans un sempiternel conflit opposant Nord-Sud, gouvernement et mouvement insurrectionnel, Islam et christianisme, le Soudan n'est pas sorti de 40 années de guerres, qualifiées par les organisations non gouvernementales de génocides et de massacres collectifs. Le Soudan est à la frontière du chaos. Un chaos concentré sur la seule région du Darfour et qui a occasionné quelque 10 000 morts, 110 000 réfugiés au Tchad et 700 000 déplacés à l'intérieur du pays. Malgré des déclarations de cessez-le-feu cycliques, le pays patauge et offre un paysage dramatique de la condition humaine. Pétrole et religion ne sont pas seuls responsables de l'impasse. La position de façade, voire de retrait des Etats-Unis et de l'Europe démontre l'enjeu dont pourraient bénéficier certaines puissances mondiales. Les attentats du 11 septembre 2001 serviront d'étrier aux Etats-Unis pour revoir leur politique internationale. Le vote du Sudan Peace Act le 7 octobre 2002 organisait alors des sanctions économiques et politiques contre le gouvernement soudanais en cas d'échec des négociations. Déjà, les Etats-Unis avaient imposé un embargo en 1997. Des guerres à visages multiples Plus récemment, Anne Patterson de la mission américaine à l'ONU annonçait, le 22 mars, la présentation par les Etats-Unis « au Conseil de sécurité de l'ONU de trois projets de résolutions sur le Soudan », déclare-t-elle. « Les trois projets de résolution portent sur l'envoi d'une force de soutien de la paix dans le sud du Soudan, les sanctions à l'égard du Soudan et de personnalités soudanaises relatives à la situation au Darfour et la traduction en justice des auteurs des exactions au Darfour », a affirmé Mme Patterson. Le recours à la Cour pénale internationale étant écarté par les Etats-Unis au profit d'un tribunal spécial à installer en Tanzanie. Le Soudan peut être divisé en deux parties inégales : les musulmans et arabophones sont concentrés au nord du pays sur les deux tiers de la superficie totale du pays. Le Sud est majoritairement chrétien et animiste. On distingue la population du Nord comme étant la plus apparentée au monde arabe et le Sud plus proche des Africains négroïdes. La langue et la religion constituent les principales divergences ayant conduit à des mouvements de rébellion. Mouvements visant à casser l'hégémonie du pouvoir concentré à Khartoum (capitale soudanaise) dont l'objectif, ces quarante dernières années, vise à instaurer l'Islam au sud du pays et à généraliser la langue arabe. La question, largement évitée par la Constitution soudanaise de 1998, n'a réussi qu'à favoriser le sous-développement économique. Ainsi l'article 1 de la Constitution prévoit en matière de libertés religieuses : « Le Soudan est un pays où la plupart des citoyens sont musulmans. Quant aux chrétiens et aux adeptes des religions traditionnelles, ils sont pris en considération. » Premier point de discorde : la charia que le régime de Khartoum entend imposer à l'ensemble du pays. Autre point soutenu par les mouvements de rébellion tels que l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS) : la possibilité de participer à la gestion du Soudan par l'instauration d'une présidence tournante ou, à défaut, un droit de veto sur les actions du président Omar El Bechir. Dans le même ordre d'idées, l'APLS exige les postes de la Défense, des Finances, de l'Intérieur, des Affaires étrangères et de l'Energie. Aucun consensus en la matière n'a vu le jour. Bien au contraire, les organisations internationales de droits de l'homme déplorent les atteintes portées à la population du Darfour. Le sud du Soudan est connu pour être le plus pauvre de la planète, frappé quotidiennement par des pillages et massacres. Une pauvreté qui n'a cependant pas lieu d'être puisque l'essentiel des ressources pétrolières est situé dans la région sud. Autre point de discorde. Le pétrole et le terrorisme Souvent avancée comme étant la principale cause de conflit, l'absence de répartition des richesses tirées du pétrole limite l'espoir d'une trêve entre le régime de Khartoum et les belligérants du Sud. Sans être un grand producteur à l'image de l'Arabie Saoudite ou de l'Irak, le Soudan ne tire pas entièrement bénéfice de ce que le territoire recèle en or noir. L'essentiel des gisements étant situé au Sud, les zones se trouvent inaccessibles en raison de la guerre. Et pour contourner au mieux la barrière devant mener à la fortune, le président Gaafar Muhammad Nemeiry viola l'accord de 1972 prévoyant la semi-autonomie du Sud, raccordant de la sorte la région pétrolière au reste du territoire. Ce qui fut à l'origine d'un soulèvement de la population locale. Autre gisement fortement condamné par les Etats-Unis : les camps servant au terrorisme et les accointances avec le numéro 1 d'Al Qaîda Ben Laden. Le Soudan est placé, depuis 1993, par les Etats-Unis sur la liste des pays soutenant le terrorisme. A l'appui de ces allégations, l'accueil par le pays et ce jusqu'en 1999, des conférences annuelles islamiques et populaires. La conférence était montrée du doigt comme servant au soutien logistique des mouvements intégristes. Aussi, l'existence dans le pays de camps d'entraînement de terroristes a constitué un fait majeur faisant basculer le Soudan dans le camp ennemi des démocraties occidentales.