Michael Hayden, Porter Goss et George Tenet ont officié sous la présidence de George W. Bush, William Webster sous celle de George Bush père, tandis que John Deutch et James Woolsey l'ont fait au moment où Bill Clinton était à la Maison-Blanche. Ils sont tous Américains et ils ont tous occupé le poste de directeur de la CIA, la célèbre agence du renseignement américain, au centre d'une grave controverse pour ses méthodes d'interrogatoire, mises en œuvre au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Les sept anciens locataires de Langley ont cosigné un courrier adressé au président Barack Obama dans lequel ils lui demandent de surseoir à l'enquête criminelle diligentée à ce sujet par Eric Holder. En effet, le 24 août dernier, le ministre américain de la Justice a décidé l'ouverture d'une enquête sur les pratiques “inhumaines” de la CIA au cours d'interrogatoires de terroristes ou de complices de terroristes présumés. Ces sept directeurs, ayant servi sous des présidences républicaines ou démocrates, ont estimé que l'enquête en cours, si elle devait aller à son terme, pourrait être lourdement préjudiciable à l'efficacité de l'agence et poserait des problèmes de sécurité nationale. Selon eux, l'enquête ouverte par le département de la Justice pourrait gêner les agents de la CIA dans leurs investigations et la recherche de renseignements dans les affaires de terrorisme. Elle pourrait aussi, insistent-ils, décourager les gouvernements étrangers de collaborer avec les Etats-Unis sur ce dossier très sensible. “Suite au zèle affiché par certains pour dévoiler toutes les actions menées depuis le 11 septembre, plusieurs pays pourraient décider de ne plus partager leurs renseignements ou collaborer avec nous sur de futures opérations de contre-terrorisme. Ils ne pourront tout simplement pas se fier à nos promesses de secret”, écrivent-ils notamment. Les auteurs de la requête adressée à Barack Obama font sans doute allusion au rapport déclassifié, largement diffusé et commenté aussi bien par la presse que par des acteurs politiques et des organisations des droits de l'Homme, qui prouve la généralisation des techniques d'interrogatoires musclés, impliquant torture et traitements dégradants sur des suspects, sous la présidence de George W. Bush. Au-delà dudit rapport, des témoignages vivants, sans appel, ont aussi été recueillis. Mais ce qui semble faire sans doute le plus scandale dans cette scabreuse affaire, c'est le fait que la CIA ait obtenu la bénédiction des autorités judiciaires et politiques pour mettre en œuvre ces techniques. Treize personnalités de très haut rang dans l'administration américaine ont été nommément citées dans ce dossier pour avoir fourni une couverture juridique à ces pratiques ou pour les avoir autorisées. Le président George W. Bush, le vice-président Dick Cheyney et le secrétaire à la Défense Rumsfeld en font partie. Au moment où le président Obama doit faire face à une opposition si féroce et si violente qu'on la soupçonne d'avoir des motivations racistes, alors que l'évolution de la situation au Moyen Orient n'est guère encourageante et que l'Afghanistan se transforme progressivement en bourbier, il se passerait volontiers de cette nouvelle “tuile” qui lui vaudra des inimitiés quelle que soit sa façon de la gérer.