Mohammed Ouali Yacine signe dans le Lion et le Chasseur un réquisitoire animé en réponse à la loi française du 23 février 2005 relative au rôle positif de la colonisation. L'auteur y dénonce une loi dictée par des groupes de pression, qui a permis de récolter les voix des électeurs du Front national tout en empêchant la signature d'un traité d'amitié entre l'Algérie et la France. À l'appui d'historiens comme Charles-André Julien ou Olivier Le Cour Grandmaison, d'articles de journaux, et de citations d'acteurs politiques de l'époque comme le capitaine Montagnac ou le colonel Bugeaud, Ouali Yacine répond à ceux qui ont voté une loi qui «falsifie l'histoire». Pour lui, l'argument selon lequel la France aurait construit hôpitaux et écoles ne tient pas face aux souffrances perpétrées. Il rappelle la cruauté de la colonisation avec son lot d'exactions et de souffrances. Il revient sur les enjeux de la colonisation, stratégiques, militaires, économiques, moralisateurs et sur la situation catastrophique de l'Algérie en 1962. Ouali Yacine mentionne quelques universitaires et personnalités politiques opposés à cette loi, dangereuse parce qu'elle ne regarde pas vers l'avenir et qu'elle promeut l'enseignement d'une histoire officielle. On trouve dans cette lettre, une liste des principales insurrections à la colonisation, une chronologie des actions de l'OAS, ou encore des petites biographies de certaines personnalités, des seigneurs, armateurs, maires que l'auteur désigne comme «les vrais patrons de l'Algérie française». Quel est le rôle positif de la colonisation ? La question hante le livre, au péril de la répétition. Si la critique est fondée, elle aurait dû être faite avec plus de recul et moins de passion. L'auteur aurait pu par exemple éviter de se perdre dans une approche, visant à montrer les conséquences de la colonisation dans les banlieues françaises, qui ne convainc pas. Question forme, le caractère gras utilisé pour souligner certains passages énerve et l'auteur aurait mieux fait de construire son livre autrement. Des titres auraient facilité la lecture et aurait mis en valeur un fond assez instructif. Une bibliographie, les sources des photographies – intéressantes – ainsi qu'un sommaire auraient été les bienvenus. Le titre de l'ouvrage, le Lion et le Chasseur, fait référence à un proverbe africain qui fait réfléchir sur l'écriture de l'histoire en Algérie. «Tant que le lion ne saura pas parler et écrire, les histoires de chasse glorifieront le chasseur.” Mais si la mémoire collective est en danger, comme le souligne Ouali Yacine, ce n'est que parce que l'autre est le seul à écrire sa version de l'histoire. Il ne tient donc qu'aux Algériens de produire la leur. FELLA ADIMI * Le Lion et le Chasseur, lettre ouverte sur les réalités de la colonisation en Algérie et leurs conséquences. À propos de la loi française du 23 février 2005, 236 pages, éditions Mille-feuilles, Alger, septembre 2009