Dans un rapport confidentiel arrivé sur le bureau du président Barack Obama depuis quelques jours, le général américain Stanley McChrystal, commandant des forces armées internationales présentes en Afghanistan, a affirmé sans ambages que sans un renforcement substantiel des troupes, l'échec est inévitable. Le locataire de la Maison-Blanche, conscient de l'impopularité croissante de l'engagement en Afghanistan – 58% des Américains y sont hostiles selon un récent sondage commandé et rendu public par la chaîne CNN –, tente de gagner du temps, pour mettre au point une nouvelle stratégie qui lui permettrait de convaincre ses compatriotes et, par-dessus tout, les membres du Congrès parmi lesquels même certains démocrates affichent leur réticence à l'envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan. Mais les évènements ne semblent pas lui accorder de sursis, puisqu'une fuite a été dûment organisée et le rapport “confidentiel” a été intégralement publié par le Washington Post. Cette fuite pourrait signifier qu'un certain nombre de généraux de l'armée américaine s'impatientent devant le choix présidentiel de prendre le temps de la réflexion et compteraient ainsi donner un coup d'accélérateur au débat. Le président Obama refuse de se laisser brusquer et voudrait prendre plusieurs semaines avant de décider de l'envoi ou non de troupes supplémentaires en Afghanistan, en plus des 21 000 soldats dont le déploiement a été arrêté au début de l'année pour porter le contingent américain à 68 000. Il semble, néanmoins, qu'il doive affronter des courants contraires. En effet, son chef d'état-major, l'amiral Michael Mullen, a affirmé que l'envoi de renforts serait nécessaire, tandis qu'un haut cadre de la Défense requérant l'anonymat a confirmé, en privé, l'impatience de nombreux officiers supérieurs devant les délais que voudrait s'octroyer le président. L'affaire est on ne peut plus embarrassante pour Barack Obama, d'autant qu'on n'est plus qu'à une année des élections législatives de la mi-mandat. L'impopularité avérée de l'idée d'envoyer de nouvelles troupes en Afghanistan, renforcée par les nombreuses victimes de ces trois derniers mois parmi les soldats américains engagés sur le terrain afghan, pourrait pousser des députés, y compris des démocrates qui briguent un nouveau mandat, à s'y opposer. Un sénateur démocrate, Russell Feingold, a d'ailleurs annoncé la couleur en déclarant que le déploiement de plus de soldats “ne signifie pas automatiquement que les Américains seront plus en sécurité”. Selon lui, le président Obama devrait même présenter “un calendrier souple” conduisant à la fin de l'engagement américain en Afghanistan. Au plan extérieur, le soutien au renforcement des troupes américaines du président afghan Hamid Karzaï, dont l'hypothétique réélection fait déjà scandale pour cause de fraudes massives, est une maigre consolation. Les alliés européens, auxquels Barack Obama a demandé dès son investiture à la Maison-Blanche de consentir de gros efforts en termes d'envoi de nouvelles troupes en Afghanistan, traînent des pieds et exigent, pour ce faire, une stratégie et des objectifs clairs, à la définition desquels ils veulent être entièrement associés. Ils préconisent, entre autres, une politique volontariste de formation de forces de sécurité afghanes appelées à remplacer progressivement l'armée de la coalition. Le fait est que ces alliés aussi sont de plus en plus confrontés à des opinions publiques internes qui affichent chaque jour davantage leur rejet de l'engagement en Afghanistan. C'est le cas en Angleterre, en Italie, en Allemagne et à un degré moindre en France et au Canada. Le président Obama a construit une bonne partie de son succès et de sa notoriété sur l'impopularité de la guerre en Irak à laquelle il était opposé. Il a toujours défendu l'idée que l'invasion de l'Irak a détourné les Etats-Unis de leur véritable objectif, l'Afghanistan. Il a donc, d'une certaine façon, fait de la guerre en Afghanistan sa propre guerre ou, du moins, celle de sa présidence. Il se trouve que l'idée d'un retrait du théâtre afghan, sans victoire ni gloire, fait son chemin, y compris au sein de la famille politique du président. Toute proportion gardée, cela ne peut pas ne pas rappeler ce qu'a connu son prédécesseur avec l'Irak. M. A. Boumendil