C'est au sein de deux classes, l'une de préscolaire et l'autre de 1re année primaire, que ces enfants, pas plus d'une quinzaine en tout, ont effectué leur rentrée en même temps que leurs camarades qu'ils côtoient dans la cour. La rentrée des classes pour les parents n'a pas la même excitation que pour leurs enfants. Il y a toujours un peu d'appréhension chez eux, mais chez les parents que nous avons rencontrés, tout est décuplé, le sentiment d'angoisse presque teinté de peur, se dispute à la sensation de force et de plaisir en même temps. Ces parents plus que d'autres se sont battus seuls, ne trouvant qu'entre eux, l'aide, l'ambition et les moyens de scolariser leurs enfants qui sont trisomiques. Cette rentrée scolaire 2009/2010 pour Zaki, Dounia, Tinhinen… n'est pas une rentrée des classes comme les autres, même si elle s'est déroulée au sein d'une école primaire “normale” du quartier Saint-Eugène. C'est au sein de deux classes, l'une de préscolaire et l'autre de 1re année primaire, que ces enfants, pas plus d'une quinzaine en tout, ont effectué leur rentrée en même temps que leurs camarades qu'ils côtoient dans la cour, et avec qui ils effectuent chaque dimanche matin la levée des couleurs. L'un des parents, M. Boubekri Hacène, le président du bureau local de l'Association nationale d'insertion scolaire et professionnelle des enfants trisomiques, nous explique leur approche en tant que parents : “Nous tenons à ce que nos enfants aient des contacts avec d'autres enfants… Nous ne voulons pas qu'ils soient juste entre eux. D'ailleurs nous travaillons en concertation avec la direction de l'éducation… et nous avons ainsi pu ouvrir deux autres classes à Arzew et prochainement deux autres à l' USTO… Nous avons énormément de demande de parents, malheureusement en l'état actuel des choses, nous n'avons pas les moyens de satisfaire toutes les demandes !...” Cette expérience dans cet établissement, angoissait également la directrice qui redoutait la réaction des autres enfants vis-à-vis de Tinhinen et ses camarades. Finalement, tout semble s'être bien déroulé au sein de l'établissement, car ailleurs dans la vie de tous les jours, les enfants trisomiques et leurs parents souffrent.Une mère de famille nous raconte avec amertume : “Notre société n'a ni compassion ni mansuétude… Nos enfants dehors subissent des moqueries, des railleries ; on les regarde comme s'ils étaient des monstres, comme des bêtes curieuses !”Une société qui, pourtant, se revendique de manière ostentatoire, croyante et vertueuse et qui n'est capable que d'intolérance, d'agressivité et de sectarisme envers des enfants trisomiques. “Regardez autour de vous, est-ce que vous voyez beaucoup d'enfants trisomiques dehors, dans les bus ? Non ! Parce qu'on les regarde comme s'ils étaient des monstres, ma fille est tout simplement trisomique. Elle est capable de faire beaucoup de chose, elle nage, commence à lire et à écrire et vous récite des versets coranique alors que d'autres enfants normaux de son âge n'en sont pas capables !” témoigne M. Boubekri. Le regard de la société sur ces enfants pousse aussi certains parents à vivre presque cachés pensant pouvoir mieux protéger leurs enfants en les soustrayant au maximum aux regards des autres, dits normaux. La trisomie est une anomalie chromosomique qui se manifeste dès la naissance par un visage caractéristique avec un retard mental et psychomoteur, mais avec une prise en charge adéquate, ces enfants peuvent acquérir l'apprentissage de l'écriture, la lecture et arriver à une autonomie fonctionnelle, apprend-on encore. Ces classes gérées et créées à Oran uniquement grâce aux dons des parents et à l'association qui assure encore le salaire des 7 enseignantes et éducatrices. La Cnas ne versant que 313 DA par enfants, est là comme une preuve, ou un défit, que les enfants trisomiques pris en charge convenablement avec des séances régulières d'orthophonie peuvent être plus tard insérés dans la société et trouver une autonomie. Comme pour nous le prouve l'une des petites filles, vêtues d'un beau tablier rose, nous récitera un verset du Coran, avec beaucoup de timidité, l'un de ses camarades, qui jeûnait ce jour-là, avait du mal à résister au sommeil et à la fatigue. Il ne pourra que nous dire qu'il était content d'aller à l'école avant de se laisser-aller et à poser sa tête sur sa table… Tous les enfants nous firent la bise en guise d'accueil -et de poursuivre leurs activités d'éveil durant tout le temps que nous avons passé dans leur classe. Selon une enseignante, pour la 1re année primaire, l'enseignant utilise les manuels scolaires classiques de l'éducation nationale, avant d'affirmer : “Nous vérifions si les acquis n'ont pas été perdus durant l'été et nous demandons aux parents d'être présents pour qu'ils effectuent leurs devoirs à la maison… C'est important que nous soyons en contact avec les parents et ils nous arrivent souvent de faire un travail psychologique non pas en direction des enfants mais des parents !” Pour le président de l'association, en effet un travail quotidien pour apporter aux enfants une autonomie doit se faire absolument : “Les enseignants travaillent sur tout ce qui touche à l'adaptation psychomotrice mais surtout ce qui est très important, c'est l'orthophonie. Il faut 4 séances par semaine à 1000 DA la séance. Vous voyez que cela nous revient très cher…” Notre interlocuteur souhaite justement dans ce cadre trouver un local pour arriver à assurer des séances d'orthophonie pour les enfants, la demande étant en augmentation, et de lancer un appel dans ce sens : “Depuis que les classes ont été créées, des parents viennent nous voir régulièrement et retirent leurs enfants trisomiques du centre CMP où c'est une catastrophe. C'est un centre pour déficients mentaux. Les enfants trisomiques étaient livrés à eux-mêmes au milieu des autres pensionnaires, rien ne leur était enseigné…”