Les mesures économiques prises au cours de ces derniers mois, comme la fixation des niveaux de participation des investissements privés étrangers, la suppression des crédits à la consommation, les mesures tendant à niveler les taux d'intérêt des crédits au logement social ou aidé et autres mesures bancaires tendant à une plus étroite surveillance comme le retour au crédit documentaire pour les opérations d'importation, sont des indices d'une plus saine vision de l'économie, même si certaines d'entre elles ont causé des déceptions aux ménages ou ont fait l'objet de protestations de la part d'une partie du patronat. Cependant, cette vision nouvelle tarde à se manifester clairement et certains observateurs en doutent carrément, remarquant au passage qu'elles ont été prises dans le feu d'une crise mondiale et de ses effets sur l'économie, réduite à la simple répartition de la rente pétrolière. Nationalisme économique ou re-étatisme ? En soi, ces mesures sont mises en œuvre partout dans le monde et peuvent être considérées comme des précautions qui laissent aux privés et aux étrangers de grandes possibilités de gagner de l'argent. Dix années de libéralisation ont peut-être fini de dessiller les yeux des autorités, apparemment déçues par le peu d'enthousiasme de l'investissement privé étranger, en bonne partie plus porté à de rapides et juteux profits commerciaux qu'à engager des capitaux, du temps et du savoir-faire pour le développement de l'Algérie. S'agissant des encouragements à la production intérieure et si les autorités désirent vraiment réduire les importations et encourager une production de substitution, alors il faudrait une autre gouvernance économique, une autre gouvernance tout court, tant il est vrai que la situation générale fait le lit de l'économie, comme les infrastructures générales, la situation sécuritaire, la stabilité politique et sociale ainsi qu'une bonne qualité des services des administrations condamnées à être beaucoup plus efficaces. Il faudrait que les autorités considèrent toutes ces questions - ensemble, à la fois, sans ce cloisonnement vertical des ministères - comme un véritable problème économique ou du moins comme intimement liées à l'activité économique. En clair, la suppression des crédits à la consommation, le contrôle plus attentif des paiements extérieurs et le train de mesures visant à encourager la production nationale, toutes mesures publiées mises en œuvre par la dernière loi des finances complémentaire sont et resteront insuffisantes, même si en soi, elles sont considérées par beaucoup comme positives pour l'activité économique intérieure. Prises en catastrophe devant la baisse subite, quasiment dramatique des recettes du commerce extérieur, elles n'expriment pour le moment rien de plus que des mesures décidées à la hâte par un pays traditionnellement importateur. On ne voit pas encore la mise en œuvre d'une véritable politique économique claire de promotion et d'encouragement de la production intérieure, du moins une économie se substituant aux importations, surtout quand beaucoup de filières industrielles, agricoles et de service requièrent vainement une intervention énergique des autorités en fonction de cette politique tant recherchée. Dans beaucoup de filières - industrielles, agricoles et de service - les conditions existent pour un démarrage ou un redémarrage pourvu que les autorités prennent toutes les mesures d'accompagnement nécessaires. Entre autres exemples, la bataille du lait est presque gagnée dans l'attente de mesures complémentaires de soutien à la collecte, ce qui devrait faire économiser à la nation un milliard de dollars annuellement. La bataille de la pomme de terre également, pourvu que les autorités s'occupent sérieusement de la question de la semence. Pour le seul quinquennat en cours, les importations de bitume devraient s'établir à 4 milliards de dollars, contre 3 dans le quinquennat 2004-2008 pour un réseau routier s'étendant sur 110 000 km et appelé à se renforcer, les besoins annuels pour cela étant de 2 millions de tonnes de bitume dont un million de tonnes importées. Cela vaut la peine et la dépense pour couvrir localement ce créneau par des capacités intérieures. Il n'y a pas de petits profits tant d'autres filières, dans l'agriculture et les services également, attendent des interventions plus fines des autorités sans pour cela exiger obligatoirement la mise en œuvre d'une stratégie industrielle. Mais il est vrai que la vision doit être plus claire pour faire de l'importation un appoint à une production locale et non pas une règle générale y recourant à chaque difficulté économique intérieure ou à chaque hausse des prix du pétrole.