Panique à Rabat. Les autorités tentent de juguler les révoltes qui s'annoncent au sein des communautés sahraouies. Contre le remake du printemps 2005, un procès contre des Sahraouis qui ont rendu visite à leurs proches à Tindouf. En outre, les tergiversations marocaines à l'Onu sont de nouveau mises à nu. La question du Sahara occidental, relancée par la Commission des droits de l'homme de l'Onu, n'a pas été amputée de quoi que ce soit : les efforts des autorités marocaines auront été vains. Leurs thèses farfelues sur la marocanité de ce territoire, coincé entre le Maroc, l'Algérie et la Mauritanie, ont échoué les unes après les autres. Malgré le coup de pouce de la France. En effet, au printemps dernier, Sarkozy a sauvé Mohammed VI au Conseil de sécurité en s'opposant à l'élargissement du mandat de la Minurso aux questions de droits de l'homme. Mais ce mandat est prolongé jusqu'en avril 2010 et, comme pour faire un pied de nez à la France, le seul pays à soutenir ouvertement le Maroc, Christopher Ross, l'envoyé spécial de Ban Ki-moon, a préconisé des préparatifs minutieux pour la reprise de négociations entre Marocains et Sahraouis. Le Conseil de sécurité soutient cette recommandation. Par ailleurs, ledit conseil a contourné le veto français en mentionnant la nécessité de réaliser des progrès concernant la dimension humaine du conflit. Depuis, les condamnations contre le Maroc n'ont pas cesse de fuser, à l'image du rapport de la délégation ad hoc pour le Sahara occidental du Parlement européen qui, s'inquiétant de la situation des droits de l'homme qui prévaut dans l'ancienne colonie espagnole, suggère de nouveau que la Minurso s'occupe de ce problème. Plusieurs autres organisations, parmi lesquelles l'ONG Human Right Watch, n'arrêtent pas de faire des recommandations similaires. Interpellé, condamné, isolé, Rabat a perdu son sang-froid et rue dans les brancards, s'en prenant aux civils sahraouis en otages, soit dans la portion de leur pays entre les mains de l'armée marocaine, soit sur les terres marocaines. C'est ainsi que des membres d'une délégation de Sahraouis résidant au Maroc seront jugés pour “atteintes aux intérêts supérieurs de la nation”. Ils avaient été arrêtés à leur descente d'avion à Casablanca, en provenance d'Alger. Leur crime : avoir profité de leur visite à des proches dans les campements de réfugiés de Tindouf, en Algérie, pour s'entretenir avec Abdelkader Taleb, Premier ministre de la Rasd, et Mahfoud Ali Beiba, chef de la délégation sahraouie dans les négociations avec le Maroc. Parmi eux, des figures principales de la résistance sahraouie au Maroc : les ex-prisonniers politiques Alí Salem Tamek, vice-président de Codesa, une association de défense des droits de l'homme au Sahara, et Brahim Dahane, président d'ASVDH, une organisation de caractère similaire. Comme d'habitude, les Sahraouis sont d'ores et déjà lourdement condamnés par les partis politiques marocains, la presse officielle et des associations de la société civile proches du palais royal, qui les ont qualifiés de cinquième colonne au service de l'Algérie ! En les jetant au cachot, les autorités marocaines tentent aussi de prévenir les révoltes qui s'annoncent au sein des communautés sahraouies. Des indices laissent présager que le Maroc risque de revivre un remake du printemps 2005, la révolte des villes et villages sahraouis sous domination marocaine et des étudiants sahraouis dans les universités marocaines qui a eu lieu deux ans plus tard. Deux jours avant ces arrestations à Casablanca, la police marocaine a arrêté dans la zone sahraouie de Gargarat, près de la frontière mauritanienne, Mohamed Dadach, un ex-prisonnier politique. Avec quatre autres militants, il se dirigeait vers la Mauritanie avec l'intention de rejoindre, de là, la partie du Sahara libérée par le Polisario. La police marocaine devait également empêcher Soultana Khaya, une jeune Sahraouie qui a perdu un œil en mai 2007, lors de la révolte des étudiants sahraouis de l'université de Marrakech, de se rendre en Espagne. D'autres interdictions de sortie du territoire marocain ont été prononcées pour des Marocains membres du Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles. Il reste que le règlement juste et durable du conflit du Sahara occidental sera d'un apport décisif à la paix, à la stabilité et à l'unité de l'ensemble du Maghreb, comme l'a souligné à New York le représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations unies, Mourad Benmehidi, devant la Quatrième commission de l'AG sur les questions de décolonisation. Le diplomate algérien a rappelé que le Sahara occidental est une question de décolonisation qui n'a pas été dûment menée à son terme et qui nécessite, pour sortir du blocage, une démarche résolue, "volontariste dans l'immédiat" et "visionnaire à long terme" et qui doit passer obligatoirement par l'exercice authentique par le peuple de ce territoire de son droit à l'autodétermination. L'Algérie, a-t-il ajouté, déplore que plus de 18 ans après la mise en place de la Minurso, le territoire du Sahara occidental demeure fermé aux observateurs étrangers et inaccessible aux mécanismes d'investigation de l'Onu en matière de droits de l'homme. Il a indiqué, en conclusion, que la communauté internationale se doit de peser de tous son poids pour permettre l'émergence d'une solution afin de contribuer à l'élimination du dernier réduit du colonialisme en Afrique. L'Algérie, pour sa part, veut espérer que l'année 2010 verra se conclure toutes les questions inscrites à l'agenda de la Commission de la décolonisation.