Suffit-il au souverain marocain de fouler le sol du Sahara occidental, territoire en voie de décolonisation, pour affirmer sa marocanité? Voici, en tout état de cause, une action à tout le moins spécieuse de la part des stratèges de Rabat qui, sans doute, estiment que l'organisation d'un périple du roi du Maroc au Sahara occidental -territoires en voie de décolonisation selon les textes pertinents du Conseil de sécurité de l'ONU- serait à même de forcer la communauté internationale à accepter le fait accompli marocain à Saguiet El Hamra et au Rio de Oro. Ce qui serait absurde n'était-ce les enjeux, pour le Maroc, qui accompagnent un tel défi. Il y a un fait inéluctable, que le royaume chérifien a cherché par tous les moyens à contourner, ou de l'empêcher: le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination dans la liberté et la transparence. Les tentatives de Rabat de faire reconnaître la «marocanité» du Sahara occidental sans passer par l'autodétermination, se sont heurtées, depuis plus de trois décennies, à une fin de non-recevoir de la part du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale de l'ONU, alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a, dans des avis -rendus en 1964 et 1975- affirmé qu'il n'y avait pas de liens de souveraineté entre les populations sahraouies et le royaume du Maroc. De fait, plusieurs occasions se sont présentées ces dernières années aux instances internationales responsables de réitérer la non-souveraineté marocaine sur les territoires sahraouis. Ainsi, en 2002, la commission juridique de l'ONU, statuant sur un appel du Front Polisario -suite à la conclusion entre des sociétés pétrolières américaines et françaises et le Maroc d'un accord de recherches off-shore au large des eaux territoriales sahraouies- a, dans un avis, confirmé la non-reconnaissance de la souveraineté de Rabat sur les territoires sahraouis. Dans ce même ordre d'idées, les Etats-Unis, l'un des soutiens les plus affirmés du Maroc, avaient -pour le même motif de non-souveraineté du Maroc sur les territoires sahraouis- exclu ces derniers du champ d'application de l'accord de libre-échange signé avec le Maroc, par l'introduction d'une clause y afférente dans le texte de l'accord entré en vigueur en janvier dernier. Ceci pour dire que la visite du souverain chérifien dans les territoires du Sahara occidental n'aura pas d'incidence sur le fond du problème qui est et demeure l'organisation pour le peuple sahraoui d'un scrutin d'autodétermination. Aussi, le périple de Mohammed VI à El Ayoun, dont la finalité reste obscure, a été ressenti, notamment par les Sahraouis, comme une nouvelle provocation. De fait, à la veille de la visite du roi du Maroc au Sahara occidental, le gouvernement sahraoui avait mis en garde sur les «conséquences dangereuses» pour la paix et la sécurité dans la région, que peut engendrer la visite royale commencée lundi. Ainsi, le ministre de l'Information sahraoui, Sid-Ahmed Batal, cité par l'Agence de presse sahraouie (SPS), a accusé Rabat d'avoir «opté pour la provocation, l'escalade, la tension et la fuite en avant» indiquant: «Si, par le passé, le peuple sahraoui a clairement démontré sa volonté réelle d'une solution politique, basée sur son droit légitime à l'autodétermination, a respecté à la lettre les résolutions du Conseil du Sécurité de l'ONU et a fait tant de concessions pour l'avènement de la paix et de la sécurité dans la région, il n'en demeure pas moins qu'il ne restera pas les mains liées et saura comment réagir à cette provocation et à cette nouvelle agression». En fait, depuis avril-mai de l'an dernier et les manifestations d'El Ayoun, sauvagement réprimées, la situation s'est nettement détériorée dans les territoires sahraouis où il ne passe plus un jour sans que l'on ne signale des manifestations ou des accrochages des populations avec les forces d'occupation marocaines. Le Maroc qui a accepté le plan de paix de l'ONU -dit plan Baker, du nom de l'ancien secrétaire d'Etat américain- est revenu depuis sur cette acceptation et cherche par tous les moyens d'imposer à la communauté internationale ce que Rabat appelle une «autonomie» -pour le Sahara occidental- à «l'intérieur de la souveraineté » marocaine. Le Maroc fait ainsi fi du plan onusien qui reste pourtant le seul moyen légal et légitime de résoudre la problématique sahraouie. De fait, le périple de cinq jours du roi du Maroc dans les territoires sahraouis intervient quelques jours avant la réunion du Conseil de sécurité consacrée au Sahara occidental lors de laquelle Rabat compte présenter son projet «d'autonomie» pour le territoire sahraoui. De fait, le Conseil de sécurité doit, en principe, se réunir à la fin du mois pour renouveler le mandat de la Minurso (Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental) qui arrive à terme. Aussi, le Polisario compte mettre à profit la prochaine réunion du Conseil de sécurité pour demander à l'ONU d'élargir les prérogatives de la Minurso à même de lui donner de prendre en charge la protection des droits de l'Homme selon M'Hamed Khadad, coordinateur sahraoui avec les Nations unies. Celui-ci a en effet, indiqué que la partie sahraouie a appelé le Conseil de sécurité à examiner, au cours de ses prochaines discussions -sur le dossier sahraoui- à «élargir les prérogatives» de la Minurso afin d'y inclure «la protection des droits de l'Homme qui doit faire l'objet de rapports périodiques». M.Khadad a affirmé que «la revendication sahraouie est motivée par la répression par l'occupant marocain des enfants du peuple sahraoui, lors de leur Intifadha contre l'occupation dans les territoires sahraouis».