Rencontré en marge de sa vente-dédicace d'avant-hier, l'écrivain Habib Ayyoub évoque dans cet entretien express son nouveau recueil de nouvelles, L'homme qui n'existait pas et sa passion pour cette forme, brève, concise et très difficile. Liberté : Votre dernier recueil de nouvelles, L'homme qui n'existait pas, appartient au genre de l'absurde. On vous sent également désenchanté et vous signifiez de manière artistique certes que le monde est injuste… Habib Ayyoub : Je ne serai pas le premier en tout cas à le dire. En même temps, il y a des conclusions ouvertes de sorte que mes personnages puissent avoir leur destin en main. Car un bon personnage est celui qui échappe à son auteur. Bien souvent, j'abandonne mes personnages et je les laisse se débrouiller tout seuls. Il y a ce que j'appelle “la frontière du désespoir”. Je sème, comme on dit. L'élaboration de ce recueil vous a pris combien de temps ? Il y a d'abord une première donnée, l'éditeur n'est pas un imprimeur. Et donc, il y a un va-et- vient continuel. Au départ, il y avait de quoi faire pratiquement 400 pages, où il y avait des trucs impubliables… des pavés, et les gens n'achètent généralement pas cela. C'était pratiquement un gros pavé au départ, voire même deux. Mon éditrice, Selma Hellal, a écarté d'autres et a choisi quelques-unes. Il y avait des trucs un peu plus déjantés, mais elle a préféré des trucs un peu plus linéaires, quoique la dernière nouvelle est longue et pas spécialement linéaire. On vous sent quand même très à l'aise dans cette forme d'écriture... C'est un genre extrêmement difficile quoi qu'on en pense. En comparant la littérature avec le cinéma, la nouvelle est au roman ce qu'est le court métrage au cinéma. C'est un genre à part extrêmement difficile, mais il a ses canons. Le court métrage est un genre à part. Dans un roman ou dans un long métrage, vous avez la possibilité de vous étaler, de vous épancher. La nouvelle, c'est l'économie de moyens. J'ai écrit peu de romans. J'en ai écrit deux. Il y a le récit le Gardien et le Palestinien. Pour ce dernier, c'est un texte qui remonte à loin, que j'ai écrit dans les années 1987/88, puis je l'ai gardé comme ça, de même que je garde des scénarios que j'ai tournés en attendant des jours meilleurs. Il y a un réel retour à la nouvelle ces derniers temps, et pour le vérifier, il n'y a qu'à voir les dernières publications, pour la plupart des nouvelles. Mais pour ce qui vous concerne, est-ce parce que vous avez envie de dire plusieurs choses à la fois ? Est-ce le contexte actuel qui oriente les auteurs vers ce type d'écriture ? Je pense. Ça ne veut pas dire que c'est plus facile. Je veux dire, pour le roman, il faut avoir du temps et la possibilité de travailler les personnages, etc. Alors qu'une nouvelle, si elle est maturée, on peut l'écrire relativement vite. Il y a Garcia Marquez – que je cite souvent – qui dit qu'il ne s'agit pas d'écrire, il faut tout le temps travailler son texte d'arrache-pied. Même un objet, un petit objet, il faudrait le penser, le modeler, en faire un bijou. Une nouvelle ou un conte, ça doit être bijou sinon, je n'écris pas. Dans le roman, on a le temps de souffler, on peut avoir des temps morts, ce qui n'est pas permis dans une nouvelle. En effet, c'est bref, concis et ça va droit au but… Je vais aller même plus loin pour être un peu provocateur, l'exemple culte du court métrage, c'est le spot publicitaire où il faut nommer le producteur, le produit, l'équipe et tout, et c'est court car cela va de 10 à 40 secondes, mais c'est vraiment une école extraordinaire. S. K. *L'homme qui n'existait pas de Habib Ayyoub, recueil de nouvelles, éditions Barzakh, Algérie 2009, 400 DA.