Les pro-Benflis ont empêché jeudi les partisans de Bouteflika de tenir une réunion à Alger. Triste spectacle d'une bagarre de rue. Jeudi, 24 juillet 2003. 8 heures. La salle Ibn-Khaldoun d'Alger est vide. Mais des allers et venues de personnes étrangères aux lieux étaient remarquables. 8 heures 30. De petits groupes de personnes commençaient à s'attrouper aux abords de la salle. Ce sont des militants du FLN d'Alger. Ces derniers, ayant pris connaissance, la veille, de la tenue d'une rencontre au nom de l'Union des médecins algériens (UMA) dans cette salle, ont vu dans ce sigle une simple couverture pour une activité autre que celle que ses promoteurs veulent faire croire. Et pour cause ! La demande d'autorisation de la salle a été déposée au nom de Djamel Ould Abbas, l'ex-ministre FLN de la Solidarité et de l'Action sociale, en rupture de ban avec son parti, de M. Tilmatine, tête de liste du RND en 1997 à La Casbah d'Alger et membre des comités de soutien à Bouteflika, et de M. Lakhdari, un ex-député RND et responsable organique à l'ONEM. Aussi, la célérité avec laquelle la salle Ibn-Khaldoun a été obtenue est également très suspecte. Il n'a fallu cette fois aux demandeurs que 24 heures. D'ailleurs, le président de l'APW d'Alger, Zaïm Mahmoud, en apprenant la nouvelle avait demandé au directeur de la réglementation de la wilaya, Mokdad Rabah, de lui retirer le dossier de la demande d'autorisation pour vérification. Une fois le dossier vérifié, M. Zaïm a, de suite, saisi officiellement le wali d'Alger, Abdelmalek Nourani, pour des explications. Ce dernier, apprend-on, a fait mine d'ignorer la chose. Mais au regard de la complicité de l'administration et de la violation de la réglementation en vigueur en matière de délivrance des autorisations des salles, M. Zaïm a revendiqué auprès de M. Nourani l'annulation pure et simple de la demande de la salle. Cette requête n'a pas eu d'écho auprès du premier concerné. Cela étant, il faut dire que dans l'invitation transmise à la presse par les initiateurs de la rencontre de jeudi, il n'était nullement question de médecine ou de l'UMA. Il s'agissait selon le communiqué parvenu à notre rédaction d'une “rencontre de la coordination régionale du mouvement de redressement” au nom du “FLN”. Mais en réalité, les initiateurs de la rencontre sont des soutiens au président Bouteflika. Dès 9 heures, jeudi, des citoyens anonymes commençaient à investir la salle Ibn-Khaldoun. Mais ils n'étaient pas nombreux. À peine une vingtaine. Le gros des troupes était à l'extérieur. 9h 15. D'autres citoyens ont intégré la salle munis de deux banderoles : sur l'une on pouvait lire : “Chlef, pour la restitution du FLN à ses militants” et sur l'autre, “Pour une correction des résultats du VIIIe congrès du FLN”. L'exposition de ces deux banderoles dans la salle a surchauffé la foule. Il était 9h30 et la rencontre n'avait pas encore commencé. La tribune était vide. Les animateurs ne pouvaient pas être identifiés. Il n'y avait pas de figure connue. Que des anonymes venus, en majorité, de Chlef, de Aïn Defla et de Djelfa. On apprendra plus tard que des associations ont été conviées à la rencontre mais avaient décliné l'invitation. 9h 35. Des militants FLN d'Alger ont occupé la tribune et ont demandé à l'assistance de quitter la salle. “Vous n'êtes pas autorisés à parler au nom du FLN et de son congrès, mais seulement de l'UMA !”, a-t-il lancé. “Nous sommes les vrais militants du FLN et nous soutenons le Président !”, a crié un supporteur de Bouteflika. Un partisan de Benflis lui a rétorqué sèchement : “Montre-moi ta carte de militant !” “Mais qui es-tu toi pour me demander des comptes ?”, lui a répliqué le soutien de Bouteflika. Des insultes et des grossièretés fusent alors de partout. C'est alors la foire d'empoigne : rixes et coups de poing. Les escarmouches n'ont pris fin qu'avec l'intervention des services de sécurité qui ont fait évacuer la salle. Il était 10 heures. Une fois à l'extérieur, la foule s'est scindée en deux groupes : les militants FLN d'Alger longeaient la salle Ibn-Khaldoun et les partisans de Bouteflika leur faisaient face. Chez les partisans de Benflis, il n'y avait aucun responsable connu du parti. “Nous sommes des militants des 57 kasmas du FLN d'Alger. En prenant connaissance de cette réunion, on a décidé de se mobiliser”, nous explique un membre de la mouhafadha de Dar El-Beida. “Cette rencontre est illégitime puisqu'elle concerne le FLN et s'est faite au nom de l'UMA”, a souligné Aïssa Khellaf, un militant d'Alger. Djiat Djamel, un membre du bureau de l'Unja, dira quant à lui : “Nous soutenons Benflis et son initiative de rajeunissement du parti et nous demeurons mobilisés à ses côtés.” En face, parmi les partisans du Président, on pouvait reconnaître quelques anciens députés non reconduits sur les listes électorales lors des dernières législatives : Saïd Bouhedja, Boualeg Mustapha, M. Boukerzaza et Ben Hamouda Djamel. On pouvait également reconnaître l'ancien président de l'APW d'Alger, Djihad Berrached, et l'ancien maire de Bordj El-Bahri, M. Nourredine Bennouar. Dans leurs arguments, les partisans du Président avancent leur “exclusion de toutes les structures du parti dès qu'ils s'opposent à Benflis”, c'est ce qu'a indiqué Nahet Youcef de Chlef. Lakouès El-Houari, un député de Chlef, dénonce de son côté “les résultats du VIIIe congrès”. Benhamouda Djamel précise, quant à lui, que “lors de cette rencontre on voulait discuter de l'avenir du FLN, mais les partisans de Benflis nous ont fait sortir de force de la salle”. Cela étant, de part et d'autre de la route, les partisans comme les opposants au président Bouteflika se lançaient des slogans : “Djeïch, chaâb maâk ya Benflis”, “Tahya FLN”, “Vive Bouteflika”. Il faut dire que la circulation a été bloquée à trois reprises. C'était à l'occasion d'assauts opérés par les uns ou les autres. Le face-à-face par militants interposés Bouteflika-Benflis aura duré jusqu'à 12h15 quand les partisans du Président ont décidé de quitter les lieux, très désabusés. Ils ont été suivis, quelques minutes après, par les soutiens à Benflis, soulagés. N. M.