Le couvercle va être levé sur les caisses contenant les documents français relatifs à la mort des moines de Tibhirine en 1996. La Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) a donné une suite favorable à une demande, en ce sens, des ministères de la Défense, des Affaires étrangères et de la Justice. La commission s'est réunie jeudi dernier et sa décision a été annoncée hier par le Quai d'Orsay. Les magistrats chargés de l'enquête sur la mort des religieux ont demandé la levée du secret-défense sur les documents détenus par les trois ministères. La demande des juges antiterroristes Marc Trévidic et Yves Jannie visait notamment le rapport de l'attaché de Défense français à Alger à l'époque des faits, le général François Buchwalter. Entendu par les juges, ce dernier a imputé la mort des moines à une bavure de l'ANP contre le GIA de Djamal Zitouni qui avait revendiqué leur enlèvement. L'attaché affirmait tenir ses informations d'une source indirecte, informations ensuite transcrites dans un rapport envoyé à sa hiérarchie. Lorsque les avocats de la partie civile ont décidé de faire la publicité au témoignage du général Buchwalter, le président Nicolas Sarkozy avait assuré qu'“il n'y aura pas de secret-défense sur cette affaire”. Le ministre de la Défense Hervé Morin avait de son côté estimé que “les autorités françaises n'avaient aucune raison de chercher à cacher la moindre chose”. En annonçant la décision de la CCSDN, le ministère français des Affaires étrangères a indiqué avoir transmis, lundi, des documents qu'il détenait sur cette affaire. Le Quai d'Orsay “a transmis le 9 novembre au juge d'instruction compétent, en réponse à la demande de ce dernier, des documents émis par les services de ce ministère et qui sont susceptibles d'être utiles à la recherche de la vérité sur le dossier des moines de Tibhirine”, a déclaré le porte-parole, Bernard Valéro. Il devait probablement être suivi par les deux autres ministères puisque les décisions de la CCSDN ont toujours été suivies par les administrations concernées. En attendant les suites judiciaires de l'affaire, le doute demeure sur l'existence d'une note de l'ex-attaché militaire. Charles Millon, ministre français de la Défense à l'époque du massacre des moines, avait affirmé “n'avoir jamais été informé” d'une telle note. “Je n'ai jamais été informé de l'existence d'une note de l'attaché militaire de l'ambassade de France à Alger concernant le sort des moines”, avait-il assuré alors que naissait une tension entre Alger et Paris sur ce dossier. Alain Juppé comme Hervé de Charette, à l'époque respectivement Premier ministre et chef de la diplomatie, ont, pour leur part, assuré n'avoir rien su d'une éventuelle “bavure” de l'ANP. Si la déposition du général Buchwalter a redonné de la voix aux partisans du “qui-tue-qui ?”, elle a été jugée peu crédible par tous les experts militaires interrogés.