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“Je garde le souvenir d'un pays où toutes les portes sont ouvertes” Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée des Aînés auprès du ministère français du travail et des Rela
Dans le cadre de votre visite à Alger, prévue aujourd'hui et demain, mon journal et moi souhaiterions que vous nous éclairiez, ainsi que nos lecteurs, sur vos missions et les questions se rapportant à la protection sociale, en particulier des personnes âgées. Aussi, nous vous demandons de bien vouloir accepter de répondre à nos questions ci-dessous. Liberté : Dans quel cadre s'inscrit ce voyage et sur quoi portera-t-il ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner un aperçu de votre agenda ? Mme Berra : Aujourd'hui, un défi démographique s'impose à nous car 600 millions de personnes dans le monde ont dépassé l'âge de 60 ans ! Cet accroissement spectaculaire de la longévité est une réalité dont il faut tirer toutes les conséquences, en termes de philosophie de vie, d'organisation sociale et économique. Si ce constat est le même pour tous, chaque pays abordera la question du vieillissement différemment, du fait de son économie, de sa culture et de ses infrastructures. Avec certains de mes homologues, nous avons soulevé ce point lorsque je me suis rendue à l'ONU en octobre dernier. En tant que secrétaire d'Etat chargée des Aînés, je souhaite me nourrir de l'approche de pays comme l'Algérie, chère à mon cœur. Ce déplacement sera l'occasion d'échanger sur ses bonnes pratiques, en termes de prise en charge de nos aînés. C'est pour cette raison que je souhaite évoquer avec M. Djamal Ould Abbès et Mme Nouara Saâdia Djaafar, les perspectives d'une éventuelle coopération entre nos deux pays en matière de gérontologie. Je vais également aller à la rencontre de personnes proches d'aînés en visitant le service de médecine interne de l'établissement public hospitalier de Birtraria (clinique Areski-Kehal), dirigé par le professeur M. Brouri. Ce service dispose notamment d'une unité d'hospitalisation à domicile (HAD) pour assurer une prise en charge adaptée aux personnes âgées porteuses de maladies chroniques. Vous avez été nommée, en juin dernier, secrétaire d'état chargée des Aînés auprès du ministre du Travail et des Relations sociales. Vous avez déclaré récemment que la création d'un tel poste de responsabilité est “un signe de reconnaissance” du rôle et des droits des aînés. Comment expliquez-vous cet intérêt aux personnes âgées, pas seulement en France, mais dans le monde, au rôle qu'elles peuvent jouer au sein de la société, à leur prise en charge même en termes de soins de santé, et à leurs droits ? Comme je viens de l'évoquer, le vieillissement est une réalité mondiale. Nous sommes tous concernés, et il faut se poser les bonnes questions. Quel est le regard que nous devons porter sur nos aînés, compte tenu de cette réalité ? La création en France d'un secrétariat d'Etat aux Aînés est effectivement, comme je le dis souvent, le signe de la reconnaissance du rôle et des droits que nous souhaitons donner aux aînés dans notre pays. Ils doivent être vus comme une chance pour la société, et non comme une charge. En France, 90 % d'entre eux se portent bien et s'engagent notamment dans le bénévolat. Choisir le terme “aînés”, c'est montrer qu'ils symbolisent la sagesse et l'expérience et qu'ils peuvent la transmettre aux plus jeunes. Je sais qu'en Algérie, les aînés constituent un véritable pivot familial qui se trouve renforcé par le lien entre les générations. Tous le sens de mon action est que nos aînés soient au cœur de notre société. Le vieillissement, c'est aussi proposer à nos aînés une prise en charge adaptée et une diversité de soins, sachant que la plupart d'entre eux souhaitent rester à domicile. En France, la réforme de la Sécurité sociale prévoit, dans le volet financement, la mise en place d'un système de rationalisation de la gestion des médicaments en maison de retraite. Cette réforme ne cache-t-elle pas autre chose ? Ne risque-t-elle pas de porter préjudice à l'objectif de santé publique ? En France, le mauvais usage de médicaments est responsable de 10% des hospitalisations des plus de 65 ans, et de 20% des plus de 80 ans. Pour éviter les maladies liées aux médicaments chez nos aînés, j'ai décidé de lancer une expérimentation avec la mise en place d'un pharmacien référent qui travaillera en coordination avec les autres professionnels et s'assurera de la bonne prescription faite à son patient (posologie, contre-indications, interactions…). Au-delà d'une question de santé publique, qui est fondamentale, ce nouveau dispositif permettra à terme d'exonérer tous les résidents des maisons de retraite du reste à charge sur les médicaments. C'est-à-dire que pas un seul centime d'euro ne sera laissé à la charge de l'assuré. L'allongement de la durée de vie est devenu une réalité dans le monde. Pourtant, l'accroissement de la longévité soulève la question de l'adaptation du système de protection sociale à cette nouvelle donne et pose un problème d'ordre financier. Comment concilier ces contraintes avec le principe de solidarité à la base du système de Sécurité sociale (français et algérien), en général, et de celui de la retraite, en particulier ? L'allongement de la durée de vie est une formidable victoire pour nos sociétés, si on sait la saisir et l'anticiper. Les plus de 75 ans passeraient de 4,9 millions en 2005 à 10,9 millions en 2050 et les plus de 85 ans de 1,1 million à 4,2 millions. Alors oui, on vivra plus vieux et en bonne santé car n'oublions pas les progrès quotidiens de la médecine dans ce domaine. L'aspect financier que vous soulevez concerne avant tout les personnes en perte d'autonomie physique et psychologique. Cela fait l'objet d'un débat en France où nous évoquerons ce qui relève des solidarités publiques et de la solidarité familiale. Madame Berra, vous êtes issue d'une famille nombreuse, originaire d'Algérie. Quels souvenirs gardez-vous de votre pays d'origine ? Quel regard portez-vous sur l'Algérie d'aujourd'hui ? Je garde le souvenir d'un pays où toutes les portes sont ouvertes, les familles y sont généreuses et accueillantes. La solidarité et la fraternité sont des valeurs partagées à tous les niveaux de la société. C'est un pays imprégné d'une sensibilité pour le débat public. Cette conscience est forte en Algérie, elle concerne les jeunes, les aînés, les hommes et les femmes. D'ailleurs, je me souviens de longues discussions passionnées avec des amis, alors que je faisais mes études à Oran, où on refaisait le monde pendant des heures. Pour moi, l'Algérie a su relever les défis après de longues années difficiles. C'est un pays qui présente de véritables atouts pour compter sur l'échiquier mondial et qui développe une politique économique qui est menée en termes d'infrastructures et de logement. Ce mouvement s'opère également en faveur des plus jeunes avec la mise en place de programmes d'éducation et la volonté d'intégrer les jeunes dans le marché du travail. L'Algérie est donc résolument tournée vers l'avenir.