En Egypte, le football n'est plus un jeu. Depuis hier, c'est devenu une des causes de mortalité des plus tragiques, en particulier lorsqu'il s'agit de tout ce qui se rapporte à l'Algérie. Cette chasse à l'Algérien a ainsi fait une première victime (M. Benkhedda, marié et père de deux enfants) et près de 150 blessés au cours des agressions caractérisées enregistrées à l'issue de la rencontre de samedi où c'était pourtant l'Egypte, pays hôte, qui en est sorti vainqueur. Tout a commencé sur le chemin du retour des supporters algériens vers leur lieu de résidence et hôtels, dont la majorité se trouvent à El-Guiza (Gizeh), là précisément où plus de 5 000 ans d'histoire et de civilisation trônent du haut des célèbres pyramides. Mais du civisme, il n'y en a eu point de la part de ces supporters égyptiens déchaînés après le succès des leurs et qui ont envahi les rues, boulevards et artères du Caire pour défiler et fêter leur victoire. Abandonnés à leur sort dès la fin du match et laissés aux portes de sortie du Cairo Stadium sans aucune assistance policière, alors que sur le chemin de l'aller, de leurs hôtels respectifs vers le stade, ils ont été escortés par un impressionnant cordon sécuritaire, les supporters des Verts ont vécu le pire et vu, pour la majorité d'entre eux, la mort en face, car pris dans un vil traquenard par une impressionnante horde d'écorchés vifs égyptiens. Bloqués dans les embouteillages, mitraillés par les projectiles Après avoir remarqué que ces centaines de supporters, répartis en neuf groupes selon les agences de voyages qui les avaient pris en charge, étaient “orphelins” de toute assistance policière et bloqués à l'intérieur de leurs autocars, dans les denses embouteillages, les supporters égyptiens, descendus fêter la victoire dans la rue, ne tardèrent pas à les “charger” violemment, à les bombarder de divers sortes de projectiles et à tenter même de les attaquer physiquement. “C'était cauchemardesque ! On était pris dans un traquenard géant. On était envahis par une marée humaine de barbares qui s'en sont pris à notre autobus avec une violence indescriptible et inimaginable. C'était horrible ! Nous étions terrorisés, surtout que nous ne pouvions même pas fuir vu que notre autocar était bloqué en plein embouteillage et ne pouvait ni avancer ni faire marche arrière, encore moins prendre une autre direction. Même notre chauffeur qui est, du reste, égyptien n'a rien pu faire, sinon prier pour que son véhicule ne soit pas brûlé ou calciné”, témoignera, la voix encore tremblante, Nabil. Et d'enchaîner : “Même ceux qui sont descendus du bus pour éviter de prendre un bloc de pierre à la tête ou tout autre projectile contondant et dangereux, n'ont pas échappé à cette chasse à l'Algérien puisqu'il y en a qui ont été passés à tabac par la foule, agressés, volés et humiliés. C'était des images terrifiantes qui défilent encore dans ma tête. Dans ces moments, vous ne pouvez qu'imaginer le pire quand vous voyez près de cinquante ou soixante-dix personnes maculées de sang.” Six heures de torture pour arriver aux hôtels Arrivé quelques heures après à leur hôtel, ce groupe de supporteurs, dont notre interlocuteur Abdelkader d'Oran, résidant à l'hôtel Es-Siak, faisait partie, n'était pas pour autant au bout de leurs mauvaises surprises, tout comme, du reste, les autres groupes d'Algériens dont les agences de voyages ont choisi El-Guiza comme lieu de séjour. “Après plusieurs heures, nous sommes finalement arrivés à notre hôtel dans un état vraiment lamentable. Agressés, blessés, choqués et, pour la plupart, ensanglantés. Quelques-uns de nos amis, perdus dans la foule ou ayant fui pour échapper à une mort certaine, ne sont arrivés que vers 4h du matin, alors que le match s'était terminé à 21h40, heure locale. Le fait que les éléments de la police qui ont assuré notre sécurité la veille n'y étaient plus nous a d'entrée effrayés. Notre pressentiment que quelque chose de terrible se préparait s'est, malheureusement, transformé en réalité, quelques minutes plus tard seulement puisque les Egyptiens nous ont attaqués, toujours avec la même férocité. Ne possédant aucun moyen de défense, beaucoup se sont enfermés à double tour dans leur chambre. Plusieurs autres, leurs blessures étaient tellement graves qu'ils ont été transportés à l'hôpital le plus proche, pour recevoir les soins nécessaires. Ils étaient au moins quatre-vingts !” relatera l'un de ces blessés, Amine résidant à l'hôtel Europa, qui fut même “chassé de l'hôtel par le propriétaire”, car, précisera notre interlocuteur, “il a découvert que j'ai voulu utiliser le réseau Internet mis à notre disposition pour envoyer, par mail, les images de nos compatriotes blessés”. Cette psychose gagnera très vite tous les supporters de l'EN présents au Caire, au point où certains avaient même peur de quitter leur chambre d'hôtel, ne serait-ce que pour prendre un café. Cette rumeur des sept cercueils envoyés d'Alger Pour en savoir davantage sur cette journée noire et de deuil qu'ont vécue tous les compatriotes établis ou en mission au Caire, Liberté s'est, naturellement, orienté vers l'ambassade algérienne. Le chargé de communication de ladite représentation diplomatique, M. Baghdadi en l'occurrence, a d'ailleurs confirmé “le décès d'un supporter algérien, venu en Egypte pour suivre la rencontre de ce samedi”, nous invitant du reste à nous rapprocher du service consulaire afin d'avoir de plus amples détails, car, s'excusera-t-il, “je ne suis pas habilité à le faire”. Injoignable, le service consulaire sus-indiqué aurait, toutefois, laissé entendre que “seulement un supporter est décédé et que tout ce qui s'est dit à propos d'autres morts est infondé”. Pourtant, une information persistante fera état de plusieurs autres décès. “Malheureusement, ce n'est pas un, mais plusieurs inconditionnels des Verts qui ont péri des suites de leur agression par les Egyptiens. On m'a téléphoné à l'instant d'Alger (ndlr, 17h30, heure algérienne), de l'aéroport plus précisément pour me dire que sept cercueils seront envoyés dans les plus brefs délais au Caire. On a même parlé de onze autres qui auraient été commandés”, indiquera, sur ce point précis, un cadre algérien présent en Egypte pour les mêmes raisons liées à la rencontre de samedi. Une affirmation que Liberté n'a pu ni confirmer ni infirmer au niveau de l'ambassade algérienne au Caire, où “la seule information officielle et véridique qui est en notre possession fait état, jusqu'ici, d'un seul décès”, précisera un membre du corps diplomatique.