“Misr, Oum el Dounia” (l'Egypte, mère du monde) ! Mais d'où vient cette auto-consécration que se donnent les habitants de ce pays depuis des lustres ! Pourtant, la réalité, la triste réalité, est là pour montrer que, question grandeur, il faut vraiment chercher ailleurs. Rien de ce qu'est devenue l'Egypte actuelle n'est proche de ce que proclament à satiété les officiels et, quand il est face à un étranger, le citoyen lambda. L'information rapportée, il y a quelques jours, par plusieurs agences de presse en est la meilleure illustration. Une entreprise chinoise vient de décider de délocaliser une de ses entreprises vers l'Egypte. La principale raison invoquée est l'existence sur place d'“une main-d'œuvre bon marché”. Faut-il rappeler que des centaines de sociétés occidentales délocalisent, depuis plusieurs années vers la Chine, avec comme argument l'existence sur place d'une main-d'œuvre bon marché. Cette information vient confirmer que “Oum el Dounia” est vraiment dans le creux de la vague. Avec 82% de la population vivant avec moins de 500 livres égyptiennes (même pas 7 000 DA) par mois (selon leurs propres statistiques), la vie dans ce pays est plus proche de la misère que d'autre chose. Il suffit de déambuler dans les rues du Caire pour s'en convaincre. À chaque coin de rue, un étranger risque d'être carrément harcelé par une ou plusieurs personnes de tous âges en “quête” de quelques guenih (livre égyptienne). Une mendicité impossible à cacher et qui est devenue la principale caractéristique des habitants. Le moindre service est payant. Dans les restaurants un raghif (pain rond) mis à la disposition d'un client est directement mentionné dans la facture ; pour mettre ses chaussures à l'“abri” dans une mosquée, il faut payer au moins une livre. Il y a même des personnes qui guettent la moindre inattention pour vous vaporiser avec un parfum bon marché pour après vous demander de l'argent. Ce ne sont que quelques “images” d'une société en pleine régression quoi qu'en disent les Moubarak and Co. Le peuple égyptien est avant tout la première victime de ce système. Les représentants de l'Etat sont loin d'être mieux lotis dans ce palmarès de “bassesses” qu'ils ont eux-mêmes créées. Les policiers n'hésitent pas à demander un bakchich au premier venu en répétant “je n'arrive pas à joindre les deux bouts”. Une déliquescence qui prend de plus en plus de proportion ces dernières années. Emmené par Ahmad Nazif (en poste depuis cinq ans), le gouvernement est totalement dépassé par les événements. Composé en majorité d'hommes d'affaires, il est critiqué par tout le monde en Egypte mais “résiste” toujours grâce au soutien indéfectible du président Hosni Moubarak. Le raïs table toujours et encore sur les slogans glorifiant le pays pour essayer de calmer une population de plus en plus appauvrie. C'est avec ces mêmes références qu'il compte laisser le pouvoir à son fils Gamal, le plus sérieux prétendant à sa succession. En utilisant le football, le changement de prénom au niveau de la présidence égyptienne devait se passer facilement. C'est ce qu'avaient concocté les spin doctors de Moubarak en tablant sur la continuité des exploits de la bande de Shehata. Depuis trois ans que le peuple égyptien en est drogué avec les deux coupes d'Afrique des nations gagnées en 2006, 2008, une participation à la Coupe du monde de 2010 devait être sur le chemin de l'investiture de Gamal, surtout que les élections présidentielles sont prévues en 2011. Cette élimination par les Algériens est ainsi assimilée comme une véritable catastrophe pour le régime égyptien. Ses réactions d'après-match sont l'illustration même de sa fuite en avant. Pour revenir à la folie des grandeurs qu'exprime le “Oum el Dounia”, avant tout l'ultime programme d'un pouvoir aux abois et également le terrible complexe qu'ont les Egyptiens envers tout ce qui est étranger. Tant que ce dernier accepte le titre qu'ils se sont donnés, il a beaucoup de chances qu'il soit respecté. Il suffit de le remettre (le titre d'Oum el Dounia) en cause pour risquer un véritable lynchage. L'Egypte des grandes réalisations pharaoniques n'est finalement que dans les musées et les pyramides. Ce qu'elle est devenue, et surtout ce qu'elle montre, est l'expression même de la décadence.