Face à la virulence de la campagne de dénigrement dirigée contre l'Algérie, son peuple et ses dirigeants par les Egyptiens, toutes catégories sociales et professionnelles confondues (officiels, hommes politiques, intellectuels, artistes…), la réaction de nos autorités, par la voix du ministre des Affaires étrangères, aura été plutôt « molle ». Dans l'entretien qu'il a accordé au journal arabophone paraissant à Londres Al Sharq Al Awsat, Mourad Medelci s'est, en effet, montré plutôt très conciliant vis-à-vis de la partie égyptienne, même s'il a saisi cette opportunité médiatique pour dire que les attaques contre l'Algérie doivent cesser, ajoutant que « notre pays n'a que respect et considération pour l'Egypte, son gouvernement et son peuple ». Après donc un long mutisme, volontairement assumé par le pouvoir algérien pour, dit-on, ne pas souffler encore et inutilement sur la braise, la réponse qui vient officieusement rompre le silence sonne un peu trop le clairon d'un apaisement recherché davantage par l'Algérie, au moment où de l'autre côté on pousse l'outrecuidance à ne rien entreprendre qui puisse normaliser la situation tant que les Algériens ne présentent pas publiquement leurs excuses aux Egyptiens, demande au demeurant qualifiée par le chef de la diplomatie algérienne de « pas sérieuse ». Medelci rectifie à ce propos le tir, en affirmant à juste titre au journal londonien que s'il y a des excuses à faire, ce sont les Egyptiens qui doivent les présenter suite à la série d'agressions subies par notre délégation au Caire, oubliant au passage que cette revendication n'a jamais effleuré l'esprit des officiels algériens… Les Egyptiens osent, et nous on observe... Pourquoi le gouvernement algérien continue-t-il d'adopter une position excessive de prudence et de conciliation, alors que les Egyptiens, contre lesquels tous les arguments plaident pourtant coupables sur toute la ligne, se montrent outrageusement arrogants en faisant tout pour inverser les rôles en leur faveur. Cette attitude, qui semble calculée pour ne pas tomber dans la politique du pire reste, il faut le dire, très en deçà des attentes du public algérien qui espérait une réaction nettement plus rigide, en tout cas plus offensive pour défendre l'honneur d'un pays auquel on a porté gravement atteinte. Quel est l'objectif visé par cette paranoïa égyptienne si ce n'est celui de vouloir dynamiter les relations, considérant que dans l'affaire, ce sont évidemment les Algériens qui seront les grands perdants en sortant du giron de « Oum Dounia ». La rue algérienne a une tout autre réponse : si l'Egypte veut rompre, tant mieux… Et on lui dit chiche ! C'est paradoxalement cette attitude populaire, exprimée par une jeunesse solidaire et fièrement accrochée à l'emblème de sa patrie qui semble la plus vraie dans cette confrontation diplomatico-politique créée de toutes pièces par le clan Moubarak pour espérer régler un problème interne. Entre le pouvoir algérien et la rue il y avait déjà un écart considérable. Le conflit que nous a imposé l'Egypte suite à son élimination de la Coupe du monde de football est venu encore élargir le fossé et montrer que le discours politicien, au lieu d'aller dans le sens des aspirations des citoyens quand les événements poussent à l'union sacrée, s'entête à ne vouloir exprimer que ses propres convictions, même si celles-ci sont en porte-à-faux des valeurs défendues.Les Algériens, dans leur grande majorité, n'ont pas demandé à « faire la guerre » à l'Egypte. Profondément atteints dans leur dignité, ils réclament de leurs gouvernants de réviser les rapports qu'ils entretiennent avec ce pays, d'avoir une autre approche politique plus transcendante avec un partenaire qui ne mérite plus d'avoir la considération qui lui était accordée jusque-là. Contrairement à ce que l'on pense du côté du Nil, la jeunesse algérienne s'est montrée dans ses analyses très réaliste sur la nature des relations entre les deux pays, et en tout état de cause sait faire la part des choses entre une Misr qui se prenait pour le centre du monde, alors que son peuple vit dans une misère innommable, et celle qui est apparue au grand jour, grotesque et vulgaire, au détour d'une défaite sportive qui n'allait pas signifier la fin du monde. Mais le plus important à retenir, c'est le message qu'ont adressé les jeunes à leurs dirigeants à travers les manifestations de liesse pour fêter la victoire des Verts. Cet enthousiasme retrouvé grâce à la magie du football mérite la plus grande réflexion, car il exprime une aspiration à un respect plus fort au sein de la société. Les jeunes ne veulent plus être marginalisés. En s'appropriant l'espace de liberté créé par la balle ronde, ils montrent qu'ils savent se mettre au service du pays, pour peu que l'on ne les sollicite pas seulement pour se défouler dans les gradins d'un terrain de foot.