Le programme d'acquisition du vaccin contre la grippe A a quelque chose de fantaisiste. C'est là bien sûr le regard du profane. Mais, franchement, annoncer à un citoyen auquel on a pompeusement appris que l'Algérie est passée au niveau six de l'alerte OMS, que le dernier lot de vaccins arrivera au mois de mai 2010, autant l'aviser de sa mort prochaine. Peut-être que les spécialistes nous expliqueront bientôt la profondeur de la pensée stratégique du ministère de la Santé ! Peut-être parce qu'en général, nos spécialistes ne s'expriment pas beaucoup sur les sujets qui fâchent. Ils espèrent que les journalistes montent aux charbons, quand ils ne les y poussent pas. Alors, les profanes sont bien obligés d'en parler, avec les moyens scientifiques du bord. Et ils sont bien obligés d'évoquer le programme d'acquisition du vaccin contre la grippe. On vient d'apprendre qu'aux Etats-Unis, le nombre de cas de grippe porcine est, pour la première fois, en recul. Ce qui voudrait dire, si la tendance se confirme, que le pic de la pandémie y est passé. Ce sera donc sûrement bientôt le cas en Europe et, ensuite, dans des régions où la maladie est parvenue avec quelque retard, comme chez nous. Ce qui veut dire que le gros des vaccins nous parviendra au moment où la maladie est en train de reculer par elle-même, après avoir provoqué les dégâts qui auront été les siens. Comme il est inutile de vacciner des malades guéris, le produit ne trouvera même pas preneur. En France, par exemple, le message porte sur une période de vaccination qui va jusqu'à fin janvier. L'Algérie, elle, n'aura réceptionné que 1 900 000 doses à fin janvier. Cela suffira-t-il à vacciner les catégories classées prioritaires par les ministères de la Santé : personnel de la santé, femmes enceintes, enfants de moins de 6 ans et malades chroniques ? Nous sommes tous “entourage” des enfants de moins de 6 ans ! On peut aussi se demander pourquoi le ministère n'a pas prévu la vaccination de l'ensemble de la population. Il semble avoir adopté le raisonnement des banquiers : tout le monde ne viendra pas réclamer son dû en même temps. Même en mai, il y aura donc encore au moins seize millions d'Algériens qui ne seront pas vaccinés. On le voit : il est possible aussi de spéculer sur le besoin de santé publique. Après tout, quelle différence y a-t-il entre une personne qui sera vaccinée en mai et une autre qui ne le sera pas du tout ? Quand on a attendu sept mois pour se protéger d'une épidémie et qu'on s'en est sorti indemne, on ne va tout de même pas se vacciner en juin contre une grippe qui n'a pas pu nous atteindre en janvier ! Depuis le temps que les responsables de notre santé nous disent, comme on le dit d'ailleurs à tout propos, que “toutes les mesures ont été prises” ! Et voilà qu'on ne sait même pas encore la date exacte de livraison — de décembre — du premier lot de 900 000 vaccins. À ce train, nous ne étonnons pas qu'ils commencent bientôt à se vendre sous le manteau ou qu'il faille se les débrouiller, comme au bon vieux temps des premières puces téléphoniques dans le cabinet du ministre. La maladie inquiète mais le risque d'un désordre dans la gestion de cette patiente campagne de vaccination aussi. M. H. [email protected]