Selon des observateurs, le mépris apparent exprimé à l'égard des Verts par certains médias et commentateurs sportifs anglais, n'est pas de l'arrogance. Mais elle reflète le peu de connaissance que les Britanniques ont du football algérien. Le 18 juin prochain, les équipes des deux pays s'affronteront, pour la première fois de leur histoire. So wait and see ! “Je suis inquiet à propos de notre groupe. Le jeu des Américains et des Algériens est très astucieux. L'équipe d'Algérie est exceptionnelle. Techniquement, elle est irréprochable. Le joueur des Rangers, Madjid Bougherra est brillant. Nos attaquants auront beaucoup de mal avec lui.” Un lecteur, Simon Tilley, a posté ce commentaire, samedi dernier, sur le site du Times, en réaction à un article sur les résultats du tirage au sort pour le prochain Mondial sud-africain. Organisée dans une ambiance de fête et de glamour à Johannesburg, cette loterie a fait croiser les destins de l'Algérie, de l'Angleterre, des Etats-Unis et de la Slovénie, en les projetant dans le même groupe de compétition durant le premier tour du tournoi. Quelques voix comme celle du lecteur du Times préconisent la prudence. Mais dans l'ensemble, cette configuration est qualifiée de cadeau divin. Ravis par le verdict des boules, la plupart des Anglais estiment que les Etats-Unis uniquement, ont le pouvoir de contrarier l'épopée de leurs footballeurs au pays des Zoulous. “Ce serait le groupe de rêve”, avaient pronostiqué des commentateurs sportifs, à la veille du tirage au sort. Au moment où le champion éthiopien d'athlétisme, Haïlé Gebreselassié tirait la boule renfermant le nom de l'équipe africaine qui affronterait les poulains de Fabio Capello, les supporters réprimaient leur ultime frayeur. L'apparition du nom de l'Algérie, sur les écrans de télévision, provoque aussitôt des effusions de joie dans les pubs où les aficionados se sont rassemblés en masse, pour connaître les adversaires de leur équipe. Chez les bookmakers, le premier tour devient alors une pure formalité. Les paris pour le match de l'Algérie contre l'Angleterre sont lancés à trois contre un. Dans les mises, les Slovènes ne sont pas mieux lotis. Même les grandes équipes comme l'Allemagne, la France, le champion du monde en titre, l'Italie, sont éclipsés par Wayne Rooney et ses coéquipiers, hissés au rang de favoris, pour le sacre final, à côté de leurs adversaires du Brésil et d'Espagne. Sur les écrans de télévision, les stars du football anglais envisagent le premier tour dans le groupe C, un peu comme une partie de récréation. Dans une émission spéciale de la BBC, les anciens capitaine Alan Shearer et gardien de but David Seaman, n'ont pas caché leur joie, qualifiant de facile le groupe dans lequel leur équipe nationale s'est retrouvée. Sur Sky News, un autre ex-international, Paul Merson, a affirmé, plein de morgue, qu'il faudrait se garder d'aller au Mondial si une équipe comme l'Algérie devait constituer un motif d'inquiétude. Ce genre de suffisance a inspiré le quotidien The Sun. Le tabloïd à grand tirage a titré : “Easy” (facile), en empruntant à chaque pays du pool C, la première lettre qui forme son nom, exception faite des USA, remplacés par yankees, pour les besoins de la sémantique. Chantant déjà le refrain de la victoire, le journal estime que c'est le meilleur groupe que les Anglais ont eu depuis les Beatles. À propos de l'Algérie, certains journaux n'ont pas manqué de dire que c'est la plus faible des équipes africaines qualifiées pour le tournoi de l'été prochain. Le premier tour ainsi expédié, comme une lettre à la poste, d'autres publications comme le Times analysent d'ores et déjà les enjeux des phases suivantes. “C'est un peu arrogant, non ? Je peux vous dire que les USA seront prêts”, s'est énervé un supporter américain sur le site du journal. Piqué au vif, un Algérien, Antar Derardja a renchéri pour le compte des Verts en espérant qu'ils gagneront leur premier match contre la Slovénie et battront de la même manière l'Angleterre. “Nous avons un groupe de stars qui sont Meghni, Ziani, Yebda, Belhadj et un avion : Chaouchi”. Du côté des Three Lions (nom donné à la squadra anglaise), des étoiles comme Rooney, Gerrard et le capitaine John Terry, ont exprimé leur désir profond de hisser le trophée dans le ciel sud-africain, le 11 juillet prochain. Mais ils savent que les choses ne seront pas faciles et que les adversaires, tous sans exception, doivent être pris au sérieux. “Nous sommes qualifiés de génération en or. Bientôt, nous saurons si nous méritons ce nom”, a confié John Terry au Sun. À Johannesburg où il a pris part au tirage au sort, David Beckham a réagi en grand seigneur en affirmant qu'à ce stade de la compétition, toutes les équipes ont leurs chances et qu'il n'y a pas de matches faciles dans le monde du football. “Les Verts ont montré durant la phase des éliminatoires qu'ils ont la rage de vaincre. Il ne faut pas les sous-estimer”, observe Salah, un Algérien de Londres. Interviewé par une équipe de la BBC à Trafalgar Square, où il assistait à la retransmission en direct sur écran géant de la cérémonie du tirage au sort, un autre supporter de l'équipe nationale a prévenu les Anglais contre les mauvaises surprises, en rappelant la victoire de l'Algérie contre l'Allemagne lors du Mondial espagnol de 1982. “Les Allemands pensaient avoir affaire à un adversaire facile. Ils se sont lourdement trompés”, a-t-il expliqué. Dans un clip, retraçant le parcours des Verts, la télévision britannique a diffusé des séquences du match légendaire contre les coéquipiers de Rumennige, en cadrant les deux buts de la victoire inscrits par Madjer et Belloumi. Mais elle a bien rappelé aussi qu'en 1982 comme en 1986, la course des Fennecs s'est arrêtée au premier tour des tournois respectifs. “À vrai dire, les Anglais n'ont pas d'informations sur le football algérien. Ils sont en train de juger les Verts, à travers leur palmarès”, explique Ali. Selon lui, les commentaires peu élogieux de la presse britannique, n'expriment pas de l'arrogance mais des connaissances approximatives. Sans doute, cette ignorance s'explique en partie parce que les Three Lions et les Fennecs ne se sont jamais affrontés sur un terrain de foot. “Ayant testé à leurs dépens le jeu des Algériens, les Allemands savent pour leur part, qu'il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir abattu”, note Ali. Dans une évaluation de l'adversaire, le coach Fabio Capello a fait remarquer que ses protégés ont déjà affronté les Américains et les Slovènes, mais pas encore les Algériens. “Nous respectons toutes les équipes. L'Algérie a très bien joué face aux Egyptiens. Psychologiquement, ce sera dur”, a-t-il affirmé. Se gardant bien de partager l'euphorie de ses compatriotes, Max, chauffeur de taxi se souvient qu'en 1986 au Mexique, les Marocains ont battu les Anglais et se sont qualifiés, premiers de leur groupe. “Je pense qu'il ne faut négliger le potentiel d'aucune équipe”, dit-il prudent. En juin prochain, il compte bien se rendre au pays de Nelson Mandela, pour supporter Beckham et ses camarades. “Ils pourraient aller très loin. Mais à condition qu'ils gardent les pieds sur terre”, commente Max. Les Anglais ont remporté une seule fois la Coupe du monde, en 1966. En 2008, leur équipe nationale était dans un tel état de dislocation, qu'elle n'a pas pu se qualifier pour la compétition européenne. Mais depuis, les choses ont changé. L'espoir renaît. “L'Angleterre n'a jamais eu une équipe aussi robuste et si bien coordonnée”, note Ali. Plein d'admiration pour ce pays où le ballon rond est né et où le championnat local (FA Premiership) suscite tant d'enthousiasme, à travers la planète, il pense que les Algériens ne seront que plus fiers, en gagnant contre les camarades de Gerrard, à Cape Town, le 18 juin prochain. À l'extérieur des locaux des bookmakers, les paris les plus fous et les calculs les plus surprenants, suggèrent que les Three Lions et les Fennecs, pourraient jouer la finale, s'ils se qualifiaient respectivement, premiers et seconds de leur groupe et gagnaient avec succès les étapes suivantes. Mais avouons que ce pari-là est un rêve !