Après leur prestation mitigée face à la sélection américaine, les capés de Capello veulent mettre toutes les chances de leur côté pour gagner le match contre l'Algérie. De leur propre aveu, cette partie est décisive. Les supporters des Three Lions croisent les doigts. Après l'échec des Algériens contre la Slovénie dimanche dernier, les Anglais ont toutes les raisons de penser qu'ils les battront à plate couture, demain à Cape Town. Mais depuis leur propre déconvenue face au onze américain, rien n'est moins sûr. Les poulains de Fabio Capello traversent une crise de confiance. Leurs supporters aussi. “J'entends dire depuis des mois que notre équipe est favorite pour gagner la Coupe du monde. Il se trouve qu'elle n'a même pas été capable de remporter son premier match contre les Etats-Unis”, assène Paul, avec une pointe de déception dans la voix. Samedi dernier, il a vu comme tout le monde ce Jabulani imprévisible qui a glissé entre les gants du gardien de but, Robert Green, avant de se loger dans les bois. Le lendemain, l'édition dominicale du Sun a attribué le but du camp adverse aux “mains d'argile” du portier gaffeur. “The hands of clod”, a titré le journal, en ajustant pour la circonstance, une formule bien connue, mais tout aussi amère. En 1986, la main de Dieu (the Hand of God) de Diego Maradona, avait éliminé l'équipe d'Angleterre dans les quarts de finale du Mondial mexicain. Cette année-là, comme à chacune de leurs participations, les Three Lions ont rêvé de renouveler l'exploit de 1966, l'unique fois où ils ont remporté la coupe. L'arrivée de l'Italien, Fabio Capello comme entraîneur il y a deux ans, a ressuscité les plus belles espérances. Le parcours sans fautes de ses capés durant les phases éliminatoires du Mondial a rassuré les médias sur la suite des événements, démesurément quelquefois. À l'issue du tirage au sort du Mondial, en décembre dernier, The Sun, encore lui, avait concocté une manchette pleine de suffisance. “Easy” (facile), avait écrit le tabloïd, en empruntant à l'équipe d'Angleterre et à ses futurs adversaires, les premières lettres qui forment leurs noms. Dans le cas des Américains, “yankee” avait servi de pièce manquante du scrabble. Mettant les pieds dans le plat, les bookmakers ont établi des pronostics, pour le premier tour, en faveur des coéquipiers de Wayne Rooney. Les matches contre l'Algérie et la Slovénie étaient perçus, ni plus ni moins, comme des formalités. Officiant sur les plateaux TV de la BBC, en qualité d'analyste-consultant, Alan Shearer, l'ancien avant-centre de la sélection nationale, a cautionné ce point de vue général, alors qu'il assistait à la confrontation entre les Verts et les camarades de Koren. “Après avoir vu cela, je me demande comment l'Angleterre ne pourrait pas gagner et se classer premier de son groupe”, a-t-il commenté dimanche dernier, en direct des studios de la télévision britannique à Cape Town. Sur le même ton, Gary Lineker, présentateur de l'émission et ex-international, avait qualifié de médiocre le niveau de jeu des Algériens et des Slovènes. Avec l'accord de ses invités, il a écourté les débats sur la partie pour les recentrer sur la prestation mi-figue, mi-raisin de ses compatriotes face aux Américains. Depuis ce ratage, la victoire sur les Verts semble déterminante pour l'avenir des Three Lions dans le Mondial. Tous les jours, les joueurs font des déclarations, promettant de se surpasser, pour battre la sélection algérienne. “Ce match sera décisif”, a révélé Franck Lampard, milieux de terrain, sur les colonnes du Daily Mirror. Son coéquipier, Peter Crouch a laissé apparaître le trouble qui a gagné l'ensemble de l'équipe, à la suite du nul concédé face aux Américains. “Le coach nous a demandé de continuer à croire en nous et en ce que nous faisons”, a confié le joueur. Dans la presse, quelques impatients demandent déjà des comptes à Capello. On lui reproche d'avoir le salaire le plus important pour un entraîneur, dans le monde, sans avoir encore prouvé qu'il le mérite. “Il bénéficie toujours de la confiance de la fédération de football. Mais, si son équipe perd encore, ce sera certainement une autre affaire”, préviennent les reporters sportifs. Dans l'euphorie précoce qui a précédé le début du Mondial, Capello était le seul à avoir gardé les pieds sur terre. Il avait, certes, dopé le moral des fans en affirmant que ses joueurs sont capables d'aller très loin dans le tournoi. Mais dans sa tête, aucun match n'est facile. “Celui contre les Etats-Unis l'a bien prouvé”, observe Paul. Dans sa lecture de la partie, il estime que les joueurs semblaient en-deçà de leurs moyens, comme tétanisés. Cette version des faits vient d'être confirmée par Clint Dempsey, le buteur de la sélection américaine. Selon lui, les Anglais donnaient l'impression d'être sous une forte pression. “Steven Gerrard et Frank Lampard paraissaient très nerveux”, a-t-il constaté. Dans le pur esprit du Sun, Anthony Kastrinakis, son envoyé spécial au pays de Mandela, a révélé hier que les capés de Capello “ont très peur” en perspective du match contre l'Algérie. “Ils savent que l'adversaire n'est pas très fort mais ils craignent de rater leur deuxième sortie en multipliant les erreurs”, croit savoir Oliver, le tenancier d'un pub londonien. Comme tous les bars de la ville, son établissement a subi un léger lifting en perspective du Mondial. Les emblèmes des 32 pays en compétition sont accrochés sur la façade. Au milieu, trône l'étendard anglais, d'un blanc immaculé et barré d'une croix, à la gloire de George, le Saint-Patron du pays. Le drapeau bicolore orne aussi les balcons et les véhicules des particuliers. L'un d'eux flotte, pour la première fois, sur le toit du 10 Downing Street, résidence du Premier ministre. Avant le début de la compétition, David Cameron a adressé un message d'encouragements aux joueurs, en affirmant sur le ton de la plaisanterie que la personne la plus importante du pays pour le moment, n'est pas lui, mais Fabio Capello. Pour avoir inventé le football et de l'avoir donné en cadeau au monde, les Anglais pensent tout naturellement qu'il est temps que la coupe leur soit restituée. “Cela fait tellement longtemps que nous attendons de hisser le trophée”, confie Oliver. Demain, son pub affichera complet à l'heure du match contre l'Algérie. Avant le tirage au sort l'hiver dernier, il avait une vague idée des Verts. Comme ses compatriotes, il se souvient seulement qu'en 1982, les Algériens avaient créé la surprise du Mondial espagnol en battant des Allemands conquérants. Le jour du match entre les Fennecs et les Slovènes, The Guardian a déterré le complot germano-autrichien qui avait éliminé précocement et injustement Lakhdar Belloumi et ses coéquipiers. “Le jour où le monde a pleuré pour l'Algérie” (The day the world wept for Algeria) est le titre de cet article méticuleux, écrit par Paul Doyle. Le journaliste a rapporté l'indignation du commentateur autrichien qui avait demandé aux téléspectateurs d'éteindre leur poste de télévision, après avoir constaté le jeu trouble des footballeurs sur le terrain. Il a décrit également la colère des supporters allemands qui sont allés protester devant l'hôtel de leur sélection. “Les Algériens avaient la possibilité d'aller plus loin dans le tournoi s'il n'y avait pas eu cette conspiration”, pense Paul Doyle. En revanche, il s'est gardé de faire le moindre commentaire sur l'équipe actuelle. Comme en Algérie, les supporters des Verts à Londres se chargent de cette tâche. Depuis la défaite de dimanche dernier, les critiques pleuvent à l'endroit de Rabah Saâdane et de ses protégés. Mais, on ne sait jamais. Après avoir épuisé la liste des blâmes, la plupart renouent avec l'optimisme. “Evidemment, les Anglais sont très forts. Mais tout peut arriver”, résume Rabah. Très fair-play, il a épinglé les drapeaux algérien et anglais sur sa voiture. Boudjemaâ a fait la même chose sur la vitrine de son restaurant. Dans son cas, ce n'est pas totalement innocent. Il tient à montrer à la police que Black Stock Road, le quartier algérien de Londres, n'est pas le repère de supporters cocardiers. Lors du match contre la Slovénie, Scotland Yard a dépêché des forces sur les lieux pour prévenir tout débordement. Le même dispositif de sécurité sera reconduit en perspective de la confrontation de demain. À Black Stock Road pourtant, les risques d'affrontements entre supporters algériens et anglais sont minimes. Dans le quartier, les bars sont plutôt irlandais. L'un d'eux s'est efforcé d'accrocher le drapeau anglais sur sa devanture, dans l'intention d'attirer les clients. Mais à l'intérieur, les habitués sont plutôt de purs gaéliques, qui ne souhaitent pas nécessairement que les défenseurs de la croix de Saint-George soient triomphants au Mondial.