Sebastian Pinera, candidat de la droite chilienne, a infligé à la Concertation, la coalition de gauche, sa pire déroute électorale depuis la chute de Pinochet. La Concertation, la coalition qui regroupe les démocrates-chrétiens et les socialistes, au pouvoir depuis le départ de Pinochet, a vécu hier la pire déroute depuis la chute du dictateur. Avec 29,62% des voix, Eduardo Frei souffre d'un retard de près d'un million de suffrages sur son rival du second tour, Pinera, qui a obtenu 44,05%. Les Chiliens, par contre, ne veulent pas d'un retour au pinochisme. Le petit-fils du dictateur a été rejeté aux législatives, lui qui croyait à un retour en grâce de son grand-père ! Pinera va certainement remporter le second tour de la présidentielle en janvier et sa victoire modifiera les équilibres sur le continent. Le candidat de la droite compte sur les voix de Marco Enriquez-Ominami, un dissident de la Concertation qui a rejeté le choix de la candidature d'Eduardo Frei, déjà président entre 1995 et 2000, qui à ses yeux ne pouvait incarner le changement exigé par les Chiliens, toutes couleurs politiques confondues. Les Chiliens désignaient aussi lundi leurs sénateurs et parlementaires. Mais le très complexe mode de scrutin — binominal à un tour — ne permet pas de refléter les évolutions de l'opinion. Ainsi la Concertation a récupéré la majorité absolue au Sénat et l'Alliance de la droite a gagné la majorité relative à l'Assemblée. La victoire possible de la droite au Chili pourrait influer les équilibres politiques et stratégiques en Amérique latine et les relations avec ses voisins. Michelle Bachelet, la présidente sortante qui l'aurait remporté haut la main, mais la Constitution ne lui a pas permis de refaire un autre mandat, avait réussi à créer un climat de confiance avec son voisin bolivien Evo Morales, tout aussi bouillonnant que son homologue et allié du Venezuela. Des négociations semblent même avoir avancé sur l'accès à la mer de la Bolivie. Ce sujet empoisonne les relations entre les deux pays depuis la guerre du Pacifique entre 1879 et 1884. Le Chili avait alors annexé la région d'Antofagasta, privant La Paz d'accès à la mer et s'appropriant ainsi les riches réserves de cuivre qui feront sa richesse au XXe siècle. Le Chili a également un contentieux avec son autre voisin le Pérou, pour des raisons similaires. D'autre part, l'élection de Pinera fournirait à Alvaro Uribe, le président colombien, qui selon toute attente devrait se présenter pour un troisième mandat au printemps prochain, un nouvel allié sur un continent où il se trouve très isolé depuis une dizaine d'années, les gouvernements se partageant entre la gauche modérée dont le représentant le plus influent est le président brésilien Lula et la gauche radicale bolivarienne, pilotée par Hugo Chavez. Celui-ci aura le loisir d'utiliser ce retour au pouvoir de la droite au Chili comme un épouvantail en évoquant les sinistres années de la dictature