La candidate socialiste Michelle Bachelet, arrivée dimanche en tête du premier tour de la présidentielle, est une Chilienne atypique. Dans un Chili profondément catholique et très marqué par les années Pinochet, malgré une sortie très réussie de la dictature, Bachelet est socialiste, athée et séparée de son conjoint. Le secret de sa réussite : sa différence des politiciens traditionnels et une vie qui se confond avec le vécu des citoyens des classes populaire et moyenne. Le parcours de la postulante de la Concertation démocratique, la coalition de socialistes, radicaux et démocrates-chrétiens au pouvoir, c'est toute l'histoire contemporaine du Chili. Selon ses proches, Bachelet a toutes les qualités humaines qui manquent à l'establishment politique. À 54 ans, elle est un vrai bourreau de travail qui dort peu et, en même temps, une bonne vivante. Son langage spontané et direct plaît dans une société à qui le pinochisme a fait oublier l'exubérance et les débordements. La popularité de cette mère célibataire de trois enfants, nés de deux pères différents dont elle est séparée, dans un pays qui n'a légalisé le divorce qu'en 2004, a surpris plus d'un au Chili et à l'étranger, notamment en Amérique Latine, où le machisme n'a pas encore totalement jeté le gant. En 1970, elle débute des études de médecine et entre à la Jeunesse socialiste le 11 septembre 1973, date du coup d'Etat de Pinochet. Son père, un général de l'aviation très proche du président Allende, est arrêté et mourra six mois plus tard, torturé par ses pairs. En janvier 1975, sa mère et elle sont arrêtées par les services secrets et conduites à Villa Grimaldi, centre de torture du régime pinochiste. Libérées, la mère et la fille s'exilent en Australie puis en Allemagne de l'Est, où Michelle continue son rêve de socialiste. Après la réconciliation, elle est de retour au Chili où elle se voit refuser un poste de chirurgien dans la santé publique, pour des raisons politiques. En 2000, le président Lagos, démocrate-chrétien, lui confie le ministère de la Santé qu'elle a réformé et, deux années plus tard, Bachelet devient la première femme ministre de la Défense d'Amérique Latine. Au Chili, son succès au deuxième tour marquera le retour de la classe moyenne, après une domination de 40 ans par une oligarchie néo-libérale. Un air d'Allende ! D. Bouatta